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Sigmar Polke, De la couleur avant toute chose

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Sigmar Polke, De la couleur avant toute chose

Sigmar Polke est né le 13 février 1941, à Oels, dans une région de la Pologne alors annexée par l'Allemagne nazie (la Basse-Silésie). En 1953, il fuit avec sa famille l'Allemagne de l'Est pour s'installer à Düsseldorf. Là, il intègre l'Académie des beaux-arts, où il rencontre Gerhard Richter avec lequel il fonde le mouvement pop allemand : le réalisme capitaliste. Il est mort d'un cancer le 11 juin 2010, à soixante-neuf ans et à Cologne, victime des résines délétères et des pigments vénéneux dont il faisait son quotidien en peinture.

 

Deux tableaux.

Sigmar Polke, De la couleur avant toute chose

Hände (Mains), 1988

Œuvre figurative – une photographie reproduite sur la toile.

Sigmar Polke, De la couleur avant toute chose

Triptichon (Triptyque), 1994

Œuvre abstraite – la peinture, et elle seule.

 

L'ironie et le discours politique se montrent mais ne disent rien de la peinture.

 

La couleur atteint un raffinement que Sigmar Polke dit comme « l'incandescence ».

Le fond brun de Hände révèle les teintes irisées du spectre de la lumière, et sur Triptichon, les montants du châssis, en transparence, participent à la composition.

On voit l'importance de la matière : transparence de la résine, moirures, fluidités.

 

L'autorité des couleurs tempère l'ironie, estompe le message politique et sublime le motif en le dotant d'une somptuosité inouïe. Sans quoi, Hände ne serait qu'une illustration et Triptychon, un papier peint.

 

De la couleur avant toute chose !

 

The Dead Weather, No Horse – Live from Third Man Records

 


Seichō Matsumoto, Journal local

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Seichō Matsumoto, Journal local

Seichō Matsumoto, La Femme qui lisait le journal local (地方紙を買う女), 1957, traduit par Gérard de Chergé, d'après la version anglaise The woman who took the local paper, in Ellery Queen's Mystery Magazine, 1979 ; illustrations originales de Tripp, Futuropolis, 1985

Seichō Matsumoto, Journal local

Seichō Matsumoto, 1955

Seichō Matsumoto, Journal local

Yoshiko Shioda, une hôtesse du bar Rubicon, à Tokyo, s'abonne au journal de Koshin, le 21 février : elle demande à recevoir le quotidien depuis le 19 février – le roman-feuilleton en cours la passionne !

Pendant deux semaines, rien de particulier n'attirait son attention.

Le quinzième jour, un changement survint. […] une carte postale […] signée Ryuji Sugimoto […] : « Ayant appris que vous lisiez mon roman, Les Brigands, qui est publié actuellement en feuilleton dans le journal de Koshin, je tiens à vous remercier de l'intérêt que vous y prenez. »

Yoshiko suspend son abonnement après le numéro du 17 mars dans lequel un article relate un fait-divers banal : deux corps en décomposition, depuis environ un mois, ont été retrouvés dans la vallée des suicidés – une coutume... Deux amoureux désespérés...

Ryuji, blessé de perdre une fervente lectrice alors que son roman avance, se lance dans une enquête. Elle est charmante – tous les charmes qu'on peut attendre d'une hôtesse –, elle est étrange, oui.

Pourquoi s'est-elle abonnée en demandant explicitement à recevoir le numéro du 19 février, puis désabonnée le 17 mars ?

Ils conviennent d'un pique-nique, mais, pour une première fois, il pourrait venir avec une amie.

Ils se retrouvent donc, tous les trois, dans la montagne. On s'installe. Le romancier a compris : il refuse les sushis, préparés par la charmante empoisonneuse. Perdu ! Elle les mange tous, et elle n'en meurt pas.

Une fois rentrée chez elle, la belle venimeuse écrit à l'écrivaillon : le poison des amoureux du 18 février (lui, il était son amant, mais il avait une autre maîtresse) était dans de petits gâteaux, au cyanure ; pour le couple indiscret, c'était dans les bouteilles de jus de fruits, qu'elle a rapportées chez elle.

Seichō Matsumoto, Journal local

Elles ne seront pas perdues : je vais en boire une maintenant...

 

C'est très léger, 35 pages, petit format. C'est joli, on aime bien les meurtres en série qui s'enchaînent de manière logique.

 

Un peu de musique ?

On l'entend peut-être dans les bars où les hôtesses distillent le désir et la mélancolie.

 

Higurashi no Naku Koro ni (ひぐらしのなく頃に, Quand pleurent les cigales) est le thème d'ouverture de Higurashi no Naku Koro ni anime, int. Eiko Shimamiya, in album O, Geneon, 2006

 

* * *

 

Remerciements à Bruno qui nous a offert ce livre, devenu rare, et bien d'autres choses. Sa caverne est de trésors, et il est généreux.

 

Henri Valentino, Bilan de la Troisième République – le bilan est sombre

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Henri Valentino, Bilan de la Troisième République – le bilan est sombre

Henri Valentino, Bilan de la Troisième République, (1870-1940), Sorlot, 1943

Henri Valentino, Bilan de la Troisième République – le bilan est sombre
Henri Valentino, Bilan de la Troisième République – le bilan est sombre
Henri Valentino, Bilan de la Troisième République – le bilan est sombre

Marcel Baschet, Philippe Pétain, in L'illustration n° 5074, 1er juin 1940

 

Le bilan est sombre. Il est conclu dans l'Avant-propos :

Les institutions démocratiques ont aggravé la perversité naturelle de l'homme et corrompu les mœurs publiques.

 

Foin d'un rousseauisme vulgarisé à l'usage des illettrés : l'homme est naturellement pervers – et la femme !

 

> note 1, en bas de page

 

Enfin, le Marxisme, favorisé par la Franc-Maçonnerie, tombée sous l'emprise des Juifs, a achevé de tout ruiner.

L'acte d'accusation de la IIIe République eût comporté assez de griefs – bien avant 1940 – pour motiver sa condamnation : démoralisation de la jeunesse par l'enseignement matérialiste de l'école – et du corps des fonctionnaires par un favoritisme éhonté, décidant du choix et de l'avancement des agents de l'Etat ; ébranlement des croyances et des lois morales entraînant le déclin de la famille et la baisse de la natalité ; dilapidation des fonds publics ; fréquence des scandales politico-financiers ; encouragement au désordre par une indulgence systématique à l'égard des partis d'extrême-gauche ; maintien des privilèges du grand capitalisme et des trusts ; insuffisance des réformes sociales ; incapacité d'établir la paix entre les citoyens et de créer une mystique nationale, ralliant autour d'une idée-force la communauté française.

 

Le marteau, la faucille et le compas, sous l'étoile de la honte, ont tout détruit. Le marteau n'a servi qu'à frapper l'enclume de notre esprit. La terre ne ment pas, mais la faucille emporte le bon grain. Et qu'avons-nous à faire de savants !? L'homme en sait toujours trop – et la femme !

La jeunesse, corrompue par nature, était insensible aux leçons de morale dispensées par les « hussards noirs » : nous nous en sommes dispensés.

Les favorisés étaient devenus nantis.

On ne croyait plus aux croyances. La foi, disaient les prêtres, des réfractaires, n'est pas une croyance.

On ne faisait plus d'enfants : la chasteté amoureuse avait instillé son venin.

Et la dilapidation des fonds publics ? Et les quotidiens scandales politico-financiers ? Ne vous y trompez pas. On vous parle de la IIIe, et non pas de la Ve.

Le désordre, l'extrême-gauche en toute indulgence, les privilèges du grand capital planétaire, les réformes sociales à la baisse, la guerre et non l'amour, l'impuissance à lever haut un front national et français, vous le voyez bien, c'est d'autrefois.

 

> note 2 en bas de page

 

Ainsi périt la IIIe République dans la soixante-dixième année de son âge... Mais la France survivait et c'était l'essentiel.

 

Enfin le maréchal vint, dans la quatre-vingt-quatrième année de son âge.

Maréchal, nous voilà !

 

Armand Bernard, La Margoton du bataillon, enregistré le 6 Avril 1933

Henri Valentino, Bilan de la Troisième République – le bilan est sombre

Marion, à notre secours !

 

Seizième législature (1936-1940)

1936 – Juin

La chambre « rouge-horizon » prit séance sous le signe de l'optimisme.

 

On voyait le crépuscule.

 

[…] Léon Blum […]. Jamais encore un fils d'Israël n'avait occupé dans notre pays la charge suprême du gouvernement.

[…]

Son cabinet, farci de juifs, de maçons et de marxistes, ne comprenait pas moins de trente-cinq ministres et sous-secrétaires d'Etat (un record) parmi lesquels l'insulteur du drapeau Jean Zay, juif et maçon, à l'Education nationale, le F /\ Salengro, qu'on accusera de désertion pendant la guerre, à l'Intérieur, le 32e degré Chautemps à la vice-présidence du Conseil, et aux Finances un méridional bon teint, à tête de Robert Macaire, le F /\ Vincent Auriol.

[…] la semaine de 40 heures, les congés payés, les contrats collectifs et un plan de grands travaux.

 

Pour Noël, on vous donnera la recette du cabinet farci – laissez vivre les dindes, elles ne sont pas juives !

 

En bref, la proclamation de la République communiste, aboutissement fatal de la démocratie qui, par une pente naturelle, menait au marxisme intégral […], […] à cette saturnale moscovite.

 

Enfin Hitler vint proposer la paix à la France. Son génie fut méconnu, de son vivant.

 

Encore une tranche ? Goulu vous êtes ! Juif vous avez l'air.

 

On ne dit pas « Juif vous avez l'air » mais « Vous avez l'air juif ». Par exemple, si je vous dis « Con vous êtes », c'est juste, mais c'est pas français.

Gérard Oury, L'As des as, 1982

 

La dramatique affaire Dreyfus est commentée dès les premières pages de 1894, et tout au long du roman – de l'Histoire, si vous y tenez –, 19 occurrences de la page 68 à la page 169, et l'annonce des déprédations à la page 53.

Le traître est libéré sous la pression des Juifs et des F /\. L'honorable commandant Esterhazy est mis aux fers et le coupable petit capitaine est réhabilité. Coupable ? Il était bien juif.

 

Pour mémoire, quelques répliques de Au bon beurre (Edouard Molinaro, 1981, avec Jean Dutourd, l'auteur du roman).

Avez-vous déjà vu un juif ancien combattant ? Moi, jamais !

C'est vrai, quand on y pense.

Vous prenez aussi les JQ de février ?

Ils ne sont plus valables. Pas la peine de garder tout ça, parce qu'après on s'y perd.

Et un quart de bleu !... horizon ! Garanti 0% de matière grasse.

La République, c'est la canaille au pouvoir.

 

_ _ _

 

note 1

La nature est nuisible à l'homme.

Nature is bad for human being.

La naturaleza es muy mala para los hombres.

 

* * *

 

note 2

Les chefs-d’œuvre du passé sont bons pour le passé : ils ne sont pas bons pour nous.

Antonin Artaud, Le théâtre et son double, 1938

 

On juge un civilisé à la façon dont il se comporte et il pense comme il se comporte; mais déjà sur le mot de civilisé, il y a confusion ; pour tout le monde un civilisé cultivé est un homme renseigné sur des systèmes, et qui pense en systèmes, en formes, en signes, en représentations. C'est un monstre chez qui s'est développée jusqu'à l'absurde cette faculté que nous avons de tirer des pensées de nos actes, au lieu d'identifier nos actes à nos pensées. Si notre vie manque de soufre, c'est-à-dire d'une constante magie, c'est qu'il nous plaît de regarder nos actes et de nous perdre en considérations sur les formes rêvées de nos actes, au lieu d'être poussés par eux.

Antonin Artaud, Le théâtre et son double, 1938

 

Ceci dit, on peut commencer à tirer une idée de la culture, une idée qui est d'abord une protestation. Protestation contre le rétrécissement insensé que l'on impose à l'idée de la culture en la réduisant à une sorte d'inconcevable Panthéon ; ce qui donne une idolâtrie de la culture, comme les religions idolâtres mettent des dieux dans leur Panthéon. Protestation contre l’idée séparée que l’on se fait de la culture, comme s’il y avait la culture d’un côté et la vie de l’autre ; et comme si la vraie culture n’était pas un moyen raffiné de comprendre et d’exercer la vie.

Antonin Artaud, Le théâtre et son double, 1938

 

Commerce allégé, vallse des enseignes

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Commerce allégé, vallse des enseignes

Carole Delga à l'étal – en miroir

 

Sète : la secrétaire d’État Carole Delga rencontre les commerçants des halles.

Carole Delga, de passage dans la région, a salué les commerçants des halles sétoises.

« On va alléger vos charges dès 2015 », explique-t-elle à l'une des charcutières. La réponse fuse, polie mais empreinte d'un scepticisme non dissimulé : « J'attends de voir. »

 

Voyons.

 

Une petite ville en France de nos jours.

 

Dans l'ancienne rue commerçante les boutiques sont fermés depuis sept ans (de malheur) et un peu plus.

 

Dans son prolongement qui descend vers le château, le sinistre s'est déclaré en 2003. Les flammèches en affiches ont gagné le quartier – A louer, A Vendre... Les annonces, jaunies par le temps, n'ont plus cours : des agences immobilières ont fait long feu.

 

Sur la place de l'église, entre les deux rues, il reste un courageux couple d'épiciers (produits du terroir, cartes postales), un antiquaire (à l'ouest, rien de neuf), un café entr'ouvert. En saison (en toute saison), il y a des touristes, et, le dimanche, des indigènes ruraux qui ont déposé femme et enfants à la messe.

 

D'autres ont déserté : un encadreur, artisan-artiste ; un je-ne-sais-quoi – le temps efface la mémoire.

 

On observe la sollicitude, la permanence, la solidaritude de l'équipe municipale qui entretient la vie en potiche.

 

Certains commerçants ont émigré dans les galeries marchandes des deux grandes surfaces, ou bien sur leurs parkings (gratuits et illimités), mais, là également, les enseignent vallsent.

On liquide.

 

Libellus est consacré à la littérature, aux beaux-arts, à l'esthétique, à l'Histoire.

Voyons quelques monuments historiques.

Commerce allégé, vallse des enseignes

Zone, bornes. Morne zone.

Commerce allégé, vallse des enseignes

CHOK. La brigade des feuilles a gerbé devant les vitrines desséchées. On le verra encore plus loin.

Commerce allégé, vallse des enseignes

En blanc, couleur du deuil nippon, avec trois points verts pour égayer.

Commerce allégé, vallse des enseignes

En noir et jaune. Les ordures sont cabossées.

Commerce allégé, vallse des enseignes

En perspective et profondeur. La préférée de Des pas perdus, qui, chaque dimanche, nous apporte sa moisson de vitrines en faillite.

Commerce allégé, vallse des enseignes

Entrée libre. C'était écrit.

Commerce allégé, vallse des enseignes

Grille ouverte.

Commerce allégé, vallse des enseignes

Un bon horloger. Il a baissé le rideau. Les pendules ne sont plus à l'heure.

Commerce allégé, vallse des enseignes

A-t-on besoin d'une librairie ? La lecture est nuisible à l'homme. Reading is bad for human being. La lectura es muy mala para los hombres. Une papeterie ? Pour écrire ? Et puis quoi encore !?

Commerce allégé, vallse des enseignes

Ne reprisez plus. Jetez. Consommez.

Commerce allégé, vallse des enseignes

Véritable reflet de Lou, sur la porte vitrée (vous ne voyez pas ?).

Commerce allégé, vallse des enseignes

Valls-nu-pieds.

Commerce allégé, vallse des enseignes

La messe est dite.

 

« On va alléger vos charges dès 2015 ».

On attend de voir.

Pour ce qu'il en reste...

 

Peter Cheyney, A toi de faire, ma mignonne

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Peter Cheyney, A toi de faire, ma mignonne

Peter Cheyney, A toi de faire, ma mignonne (Your Deal, My Lovely, 1941), traduit de l'américain par Marcel Duhamel, Gallimard, Série noire n° 21, 1949

Peter Cheyney, A toi de faire, ma mignonne

Reginald Evelyn Peter Southouse Cheyney est né le 22 février 1896 à Whitechapel, le quartier populaire de l'East End, d'un père poissonnier et, dit-on, ivrogne, Arthur Thomas Cheyney et de Catherine Sarah Southouse. Il passe son enfance dans ce quartier au sein d'une famille de cinq enfants. Il est renvoyé de plusieurs établissements scolaires. En 1913, il devient clerc de notaire, puis comédien, et écrivain : il invente les personnages de Slim Callaghan et Lemmy Caution.

 

Un gars qu'on appelle Confucius – et qui connaissait son affaire, à ce qu'il paraît – a certifié un jour par écrit, que chaque fois qu'il avait vu, dans sa vie, un jobard assis dehors sous la pluie en train de regarder les gens sans les voir et faisant une bobine comme s'il avait reçu dans les narines un coup de fer à repasser – eh bien, c'était toujours à cause d'une poupée que le jobard en question était dans cet état lamentable...

Peut-être bien que le Confucius m'avait rencontré avant d'écrire ça dans son livre.

[…]

Mais je ne m'en fais pas de trop pour tout ça, parce que je ne pense qu'à la môme Carlette.

Cette môme a tout ce qu’on peut rêver – et même davantage. Il faudrait être commis voyageur pour savoir vanter cette marchandise-là comme elle le mérite. Mais quand même, je pourrais vous raconter des choses sur la géométrie de cette poulette – des choses qui vous rendraient honteux d’être mordus si fort pour celle que vous fréquentez en ce moment.

[…]

Je vous garantis que si Eve avait été aussi bien balancée que cette môme-là, Adam n’aurait pas hésité si longtemps. Il aurait fichu le serpent hors du Paradis, et il aurait cueilli lui-même les pommes. Les pommes de tous les pommiers. Comme s'il avait été fabricant de confitures.

[…]

Il n'y a qu'une seule façon de se protéger des dames : c'est d'en aimer plusieurs à la fois. Parce que sans ça, le jour où elle vous juge suffisamment ramolli, la dame de vos pensées vous décoche un suprême regard bleu qui vous met dans un tel état de gâtisme que, comparé à vous, l'idiot du village passerait pour être un nouveau Washington. Et le tour est joué !

 

Lemmy Caution, agent du FBI, vient en Angleterre, dans les '40, pendant la guerre, à la demande de l'Inspecteur Principal Herrick, connu depuis l'affaire Van Zelden, en 1936. Il voyage sous le nom de Elmer T. Thaxby, de Coldsprings, Colorado : le premier vendeur d'Amérique, de boulons et d'écrous. A l'arrivée du Florida, il est accueilli par l'inspecteur Rapps, Police de Southampton. Il prend le train pour Londres en compagnie de Carlette, la môme rencontrée sur le paquebot.

A la gare, il est attendu par Grant, détective à la Special Branch, annoncé par un message de l'Inspecteur Principal Herrick et envoyé au radio du bord.

 

Alors voilà l'histoire, dis-je. Il y a six mois, un gars qui s'appelle Whitaker et qui habite Kansas City, a inventé un nouveau modèle de bombardier-en-piqué. Quelque chose de merveilleux. Mais ce Whitaker est un gars un peu bizarre.

[…]

Autrement dit, que le gars Whitaker se triturait le ciboulot, le cœur et le foie, à cause d'une souris. Toujours la même vieille histoire.

[…]

Il disparaît de la circulation. Volatilisé !

 

Elmer Whitaker a été enlevé, il est séquestré par la bande de Carlo Panzetti, un gang de la Gestapo, c'est sûr.

 

Rien n'est sûr.

 

Le câble transmis par le radio était faux. Le radio est un complice. Grant n'est pas Grant. Carlette Francini, la belle en croisière, est avec Panzetti. Et la môme Montana Kells ! Un poison !

 

Geralda Varney, une rouquine comac, c'est autre chose.

 

Willie Kritsch, un tueur, s'est approprié les pièces d'identité de Lemmy et se fait passer pour lui.

Geralda... Comme elle croyait être en présence d'un faux Lemmy Caution, le vrai l'a enfermée dans son garage.

Vous suivez ?

Quand il revient la chercher, elle a filé.

Ce qui prouve que Confucius avait raison quand il a écrit quelque part dans son livre « Jamais vous ne trouverez une belle môme à l'endroit où elle devrait être, au moment où elle devrait y être. »

Confucius est un sage.

Lemmy finit par retrouver Whitaker, prisonnier dans une villa des gangsters. Mais il a un doute : Whitaker n'est pas Whitaker, c'est encore un gars de la bande, il le ficelle. En fait, le présumé faux Whitaker était Whitaker.

Ça va toujours ?

Les « bleus », les plans, tant convoités, ne sont pas complètement terminés : l'ingénieur a laissé de côté une partie essentielle – c'est le gage de sa santé.

 

L'intrigue est bien ficelée (on ficelle à tour de pages, et le lecteur ne voit pas les ficelles).

 

Ça parle du vrai et du faux : fausses identités, faux-semblants, et même faux billets dans la transaction pour acquérir les « bleus ».

 

Cherchez le coupable !

 

A la fin... Geralda, toujours sincère, fond dans les bras de Lemmy.

 

J'aime énormément le poker, Lemmy. Nous devrions y jouer, vous et moi, un jour.

[…]

A toi de faire, ma mignonne !

 

Le double-whisky est servi à toutes les pages – avec les cigarettes. Une lecture éprouvante pour qui n'a pas le foie.

 

Peter Cheyney, La Môme vert-de-gris – Ah ! ces gonzesses...

(l'aventure est citée dans A toi de faire, ma mignonne)

 

* * *

 

FILM

Peter Cheyney, A toi de faire, ma mignonne

Bernard Borderie, A toi de faire… mignonne, musique : Paul Misraki, 1963

 

Paul Misraki, A toi de faire… mignonne + Petite Samba, 1963

 

Antoine Blondin, Monsieur Jadis

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Antoine Blondin, Monsieur Jadis

Antoine Blondin, Monsieur Jadis ou l'école du soir, La Table Ronde, 1970

Antoine Blondin, Monsieur Jadis

Antoine Blondin, 1979

 

Dans un fier sursaut de jeunesse, un quinquagénaire se laisse prendre dans une rafle de routine, sous le climat contemporain de Saint-Germain-des-Prés. Conduit dans l'un des rares postes de police qu'il ne connaisse pas encore, on l'y retient pour une vérification d'identité.

À la lumière de cette opération à double sens, qu'il mène pour son propre compte sur le plan de la mémoire, il voit surgir, sous le nom de Monsieur Jadis, le jeune homme qu'il a été, dans d'autres nuits, en d'autres temps, dans d'autres commissariats de police.

« Ma vie est un roman », entend-on dire couramment. Le narrateur prend cette assertion au pied de la lettre. L'image d'une silhouette légère sur la crête des rencontres, des amitiés, des amours, pourra-t-elle satisfaire le farouche jeune homme dont il s'est fait une joie de partager un instant la cellule, ou bien devra-t-il constater qu'il a voulu se mêler à qui ne le regardait pas ?

4e de couverture

 

En dédicace.

A l'abbé Pistre, la part de confession qui lui revient de droit.

A Yvan Audouard, les mensonges, en hommage au maître de la « vérité du dimanche ».

 

En exergue.

« Ma vie est un roman. »

(Tout-Un-Chacun)

 

Longtemps j'ai cru que je m'appelais Blondin, mon nom véritable est Jadis. C'est celui que je viens de donner au brigadier penché sur la main-courante de ce commissariat dont je ne soupçonnais pas l'existence.

 

Il pouvait être six heures du soir au carrefour de Buci. […] Assis par petits paquets sur le bord du trottoir, des adolescents, égarés dans quelle dimension, offraient la gravité lointaine d'un casse-croûte de cantonniers au revers d'un talus. […] Ainsi du geste absorbé des fumeurs : ils font chanvre à part jusqu'à ce qu'une guitare les accorde. Déjà le printemps agitait sur le quartier l'imminence bigarrée d'un crépuscule hippy.

 

Souvent, je me surprends dans une glace ; ce que j'y vois m'intrigue. […] Ces cheveux clairsemés, cette bouche démeublée, ces yeux qui peinent à accommoder sont un déguisement. L'être qu'il cache n'est autre que le jeune homme que j'étais, que je demeure. Entendons-nous : pas question de devenir un de ces vieux messieurs qui ont gardé le cœur jeune, je suis ce jeune homme dont l'enveloppe s'est usée.

 

I

Monsieur Jadis était encore à l'âge où l'on croit que l'espérance est belle sous les pas d'un promeneur, à minuit.

[…]

Le whisky aidant, on pouvait attribuer sa maigreur au raffinement, son dénuement à la désinvolture, son indécision à l'embarras d'un esprit trop sollicité.

 

II

Monsieur Jadis, comme Cadet Rousselle, avait trois maisons : l'une où ses enfants dormaient avec leur mère ; une autre où sa compagne dormait avec son mari ; la troisième où sa mère dormait avec son accordéon. Mais il en habitait, le plus souvent, une quatrième où tout le monde dormait avec tout le monde, car celle-ci, la seule où il disposât d'une clef, généralement pendue au tableau, était un hôtel sur le quai Voltaire, où il lui arrivait de s'enfermer à double tour pour mieux poser sur les paysages de son enfance le regard d'un homme libre.

 

Antoine Blondin se souvient de sa jeunesse à Saint-Germain-des-Prés dans les années '50, au temps où l'on voyageait avec Roger Nimier, Paul Morand, Jacques Vidalie, Marcel Aymé, Juliette Gréco, Boris Vian, Jean Dauger... d'un comptoir à l'autre. Une vie de noctambule retrouvée par le hasard d'un brigadier autorisant le dédoublement de la personnalité. C'était un soir de Noël.

 

Écoutez-le.

 

Henri Verneuil, Un singe en hiver, 1962 – le Yang-Tsé-Kiang...

 

Méthode Boscher – lire, écrire, compter

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Méthode Boscher – lire, écrire, compter

Méthode Boscher – ou La Journée des Tout Petits, par M. Boscher, V. Boscher, J. Chapron, Instituteurs, et M. J. Carré – Illustré par M. F. Garnier, Éditions Belin

 

Cinquante-trois journées pour apprendre à lire, écrire, compter.

 

Première journée.

Méthode Boscher – lire, écrire, compter

La rue à midi. La Mairie, l’Épicerie, les Chaussures...

 

Vous ne savez pas lire Libellus ?

Vous ne savez pas lire ?

L'école était trop loin pour venir du hameau, ou bien la génération IUFM était venue.

Pas de panique, Tonton Lou vient à votre secours.

 

Aujourd'hui, on découvre le « i » et le « u », non pas seulement comme entités abstraites, mais en les reconnaissant dans le hibou qui hulule près des chaumières, dans la lune, dans l'hirondelle qui fait le printemps.

On compte ses billes. Pas question d'en calotter une ! Une bille et une bille, ça fait deux billes.

Méthode Boscher – lire, écrire, compter

Le troisième jour, nous avons la pêche ! Nous comptons hardiment les cerises, en plus et en moins.

Méthode Boscher – lire, écrire, compter

Au cinquante-troisième jour – ce n'est pas encore Noël, nous sommes à la plage –, nous formons des phrases, nous conjuguons, et 49 + 7 ne nous font plus peur.

 

L'année de l'école est à peine commencée. Maintenant, lisons, écrivons, en toute liberté !

 

La Ronde

Si toutes les filles du monde voulaient se donner la main, tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.

Si tous les gars du monde voulaient bien être marins, ils feraient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.

Alors on pourrait faire une ronde autour du monde, si tous les gens du monde voulaient se donner la main.

Paul Fort, Ballades françaises

(dernière page)

 

Henri-Jacques Proumen, Gens de la Plèbe

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Henri-Jacques Proumen, Gens de la Plèbe

Henri-Jacques Proumen, Gens de la Plèbe, L’Églantine, 1933

Henri-Jacques Proumen, Gens de la Plèbe

Henri-Jacques Proumen, né à Dison, province de Liège, Belgique, en 1879, est un écrivain, et un savant. Il a publié plus de quarante ouvrages et plus de six cent contes.

 

« A l'exemple de J.H. Rosny, à qui une certaine filiation l'apparente en la matière, Henri-Jacques Proumen écrit, de loin en loin, des récits basés sur l'hypothèse d'une nouveauté insolite dans l'ordre naturel ou scientifique... C'est un scientifique quant à la formation. C'est ici une garantie. Mais comprenez-moi bien. Je ne veux pas dire seulement que son savoir donne au lecteur l'assurance d'être préservé contre toute élucubration incohérente. Je veux dire, en premier, que tout savant professe pour la science un tel respect, qu'il se répugne à jouer d'elle. Ce qui l'occupe, d'une façon dominante, lorsqu'il construit ses romans d'hypothèse, ce n'est pas le jeu même de l'hypothèse ; c'est l'étude de l'humanité. Il est, il demeure presque exclusivement un moraliste... Il veut, plus que tout autre, façonner ses romans d'hypothèse en manière d'apologues, et cela pour situer l'âme humaine dans l'univers des âmes. »

Maurice Renard

 

« La nature s'est montrée prodigue envers Henri-Jacques Proumen. Elle lui a accordé l'intelligence du savant, la finesse du critique, l'art de l'enseignement, le talent littéraire et jusqu'à la beauté visible. C'est beaucoup pour un seul homme. Avant tout, il est romancier, romancier brillant et de grande envergure... »

J. H. Rosny

 

Gens de la Plèbe, ce sont des contes, de quelques pages, trente-neuf histoires populaires.

 

La chemise de noces

 

Heureux certes, il l'était, ce Colas Soupier, franc du collier et dur à la tâche, Ardennais de vieille souche, bon pied, bon œil, mais veinard avant tout. Et l'on sait que, sans la chance, il n'est pas de bonheur qui tienne. Cette veine, Colas la devait à sa chemise de noces.

 

Il la tenait de Basile Loumont, fin commerçant et magicien.

Avec les années, la chemise avait tellement été reprisée, rapetassée, rapiécée par sa femme, Lambertine, qu'il ne restait plus un fil de la chemise des noces. Et pourtant, elle gardait son pouvoir magique : au moindre ennui, Basile secourait Colas, il était sa chance.

On disait, le dimanche, autour des verres : – Colas, il a une veine de cocu.

Basile n'était pas un magicien.

Les années passant, le bonheur était devenu le fumet de la cuisine à Lambertine.

Oubliant les vieilles histoires, Colas sourit à sa femme. Puis, ouvrant toute grande la baie, il laissa sa chemise s'envoler au vent d'hiver qui soufflait rude, au large, par-dessus les Fagnes.

 

Mensonge

 

Les parents formaient un couple heureux. La mère avait un amant. Son péché ? Elle l'a dissimulé au fils.

 

Les mains inutiles

 

La vieille servante choyée par ses rentiers est mise à la retraite, avec une pension : elle devient rentière... et malheureuse... de ne plus servir.

 

Le rêve du gueux

 

Longtemps chemineau, il roule maintenant en voiture avec chauffeur, son château l'attend.

Ce n'était qu'un rêve. On le réveille pour le guillotiner : sur la route, il avait étranglé un menuisier qui l'avait traité de chien galeux, alors qu'il ne demandait qu'un peu de travail pour du pain.

Comme un pauvre de Jehan-Rictus.

 

Les yeux dans le mur

 

L'inspiration fantastique : dans le mur, ce sont les yeux du narrateur qui le poursuivent, comme l’œil dans la tombe de Caïn.

 

Et Les pauvres, et tant d'autres. Les personnages viennent du peuple de la rue, de la campagne, de la route. Il y a une morale de la famille, du travail, du pays – non pas sous la francisque, mais en convivialité, fraternité, joie de vivre. Une époque...

 

La Gigue des gueux

Dame Yueyin retrouvera son cher réverbère, et les amoureux de la tradition remarqueront le port de l'authentique chéchar (qu'on porte en arrière, les jours de fête, pour la joie).

 


Daniel Picouly, Les larmes du chef

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Daniel Picouly, Les larmes du chef

Daniel Picouly, Les larmes du chef, Gallimard, Série Noire 2346, 1994

Daniel Picouly, Les larmes du chef
Daniel Picouly, Les larmes du chef

Quand on s'appelle les "Chief Tears" et qu'on pratique le football américain en plein 19ème arrondissement, on manque un peu d'adversaires pour se juger à sa juste valeur.

Heureusement que le sort, toujours complice des audacieux, fait atterrir l'avion des Dallas Cowboys à Orly… Il suffit d'amener les Texans au bord du canal Saint-Martin et de ne pas semer trop de cadavres en chemin.

4e de couverture

 

La nuit et le froid avaient saigné la rue du Hainaut à blanc. Personne. Pas même une petite silhouette pressée pour faire tinter le pavé. Juste des pans d'ombre coupés courts autour des réverbères. Pourtant l'espace donnait l'impression de se dilater. Comme quand on guette trop longtemps quelqu'un. On sentait qu'il allait apparaître au coin de la rue. Du côté Jaurès. Un homme grand. Certainement jeune. Bien bâti. L'allure souple et rapide. Devant lui l'air se faisait léger. La lune était dans son premier quartier. L'homme en foulait la lueur pâle tombée à même le trottoir, sans jamais donner l'impression de toucher le sol.

 

Crystal frappe un code convenu à la petite porte métallique du n° 15. Mongo et Phan l'accueillent.

Le match va bientôt commencer. On se faisait du mouron.

 

Un ennui ? Un pépin ?

 

Ils nous attendent sur l'estrade.

[…]

Rio prit la parole.

Le 21 janvier j'ai perdu un copain. Il était du quartier. Vous le connaissiez. C'était le chanteur des Négresses Vertes. Il s'appelait Helno.

 

Murmure et plainte de l'accordéon.

 

Helno s'appelait Noël. Il avait changé de nom comme beaucoup d'entre nous ici. Quand on a rien, on peut au moins s'offrir un nom.

Je sais pas trop bien parler, alors on va chanter « Zobi la mouche » !

 

Noël Rota, dit Helno (verlan de son prénom), est un chanteur français, membre fondateur du groupe de rock alternatif Les Négresses Vertes.

D'origine italienne, Helno naît en banlieue parisienne, à Montreuil, le 25 décembre 1963.

« J'ai plein de copains qui se sont suicidés. Je peux citer un paquet de gens qu'on a connus aux Halles et qui ne sont plus là. Pareil dans ma cité ; des amis d'enfance, j'en ai plus beaucoup. Sida, suicides, overdose... C'est ce que tu as quand tu soulèves le rideau d'une petite cité, tranquille. J'en arrive souvent à penser que si l'enfer existe, il est ici sur Terre. On est en plein dedans. Tout être humain qui a de la sensibilité a envie de se foutre en l'air. »

Il meurt dans la nuit du 21 au 22 janvier 1993, à 29 ans, d'une overdose d'héroïne, trois heures après avoir enregistré l’émission Taratata.

Il est inhumé au cimetière parisien de Pantin.

 

Chantal Dupille, Moi, j'aime pas Giscard

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Chantal Dupille n'aime pas Giscard.

 

Chantal Dupille est Aimable.

Tous les Aimables aiment l'accordéon.

Donc Chantal Dupille n'aime pas Giscard.

 

Ceci n'est pas un syllogisme.

 

D'aucuns diront – il se dit tant de choses – que nos malheurs viennent de 1974.

 

Écoutez, lisez Chantal Dupille.

 

Ce que je vais vous dire, je vous le dit gravement, au nom de la vérité. Notre pays est colonisé, la France est un pays occupé. Aujourd'hui, comme la plupart d'entre vous le sait, il y a des pays, des gens qui ne sont pas alignés et qui refusent ce nouvel ordre mondial anglo-saxon et israélien qu'on veut nous imposer, comme disait Nicolas Sarkozy, de gré ou de force. Bonjour la démocratie ! […] Vous le savez, notre pays est réputé pour être indépendant, esprit frondeur, esprit rebelle – nous avons eu le général De Gaulle qui a incarné si magnifiquement cet esprit d'indépendance au plus haut point ; il a été ciblé, et c'est Daniel Cohn-Bendit qui, en mai 68, est venu le tuer politiquement. Eh oui, l'affreux rouquin, c'est pas du tout un anar, un gauchiste, non, ni un vert, c'est tout simplement un agent d'Israël. […] Le nouvel ordre mondial, c'est le nazisme, […] et un homme comme Manuel Valls sera le parfait ambassadeur, comme Jacques Attali, de ce nouvel ordre mondial. […] Israël est représenté en France par le CRIF.

 

Prenez 16 minutes et 5 secondes pour écoutez. Sarkozy, Hollande, Valls... C'est de maintenant.

Chantal Dupille, Moi, j'aime pas Giscard

Chantal Dupille, Moi, j'aime pas Giscard, Balland, 1975

 

Chantal lui botte allègrement les parties vives. Cela fait du bien. Pas à lui. A nous.

Le Canard enchaîné

 

D'avanies en ratages, Giscard d'Estaing * monte inlassablement, logiquement, pathologiquement dans l'échelle des échecs – jusqu'au barreau élyséen. A la lecture désopilante de ses humiliations, la charité nous inspire la pitié.

 

* un joli nom d'emprunt, aurait commenté De Gaulle, selon le témoignage de son fils.

Chantal Dupille, Moi, j'aime pas Giscard

Chantal Dupille est née dans l'Oise, d'un père bordelais et d'une mère russe.

Après un diplôme de journaliste et une licence de Lettres Modernes à la Sorbonne, elle se lance dans l'écriture. Un livre sur le mai 1468 des étudiants. Trois autres ouvrages, publiés par Hachette Littérature et Balland. Parallèlement, elle réalise, à l'âge de 20 ans, son premier reportage en vivant parmi les gitans d'Espagne. Elle devient journaliste, notamment à Noir et Blanc, aux Dernières Nouvelles d'Alsace et à FR3 Alsace où elle produit plusieurs documentaires, en particulier sur l'accessibilité des villes aux personnes handicapées (Mulhouse, ville en pentes douces), ou sur les motards (Les croisés de la moto).

Son souci pour les plus démunis l'a conduite à accueillir chez elle des personnes en difficulté, à s'engager dans des associations humanitaires comme la Boutique Solidarité Fondation Abbé Pierre, à partager la vie des plus défavorisés (dans le cadre de reportages ou de conférences), à mettre en place et à animer un centre d'entraide à Marseille.

Chantal Dupille a rencontré la foi dans les milieux chrétiens charismatiques ; sa foi, comme celle des premiers chrétiens, est ouverte, tolérante, incarnée, prophétique, engagée aux côtés des plus faibles.

Elle se dit citoyenne du monde et milite pour une société plus juste, plus humaine, plus fraternelle, où chacun trouverait sa place. Pour elle ce qui compte avant tout, c'est la liberté, la vérité, la justice et la paix.

Chantal Dupille, Moi, j'aime pas Giscard
Chantal Dupille, Moi, j'aime pas Giscard

Chantal, avec le gang

Chantal Dupille, Et l'espérance jaillit du gang, c d, 2014

 

Ce roman est basé sur des faits authentiques, c'est l'histoire d'un gang de rues dont tous les membres sont morts les uns après les autres. Le héros, Miguel, s'est converti la veille de l'extermination de son gang. A travers ce personnage, c'est l'histoire dramatique d'un gang, et la "résurrection" du héros à la fin, à 16 ans.

Dans la vie, il sera envoyé en Inde comme missionnaire, moi je l'envoie dans son gang ennemi... Fin imaginée, donc !

Chaque événement, chaque mort de gang est basé sur des faits authentiques, romancés, mais en général à partir de documents d'archives de la Police US.

Pour pénétrer dans les gangs, je me suis installée notamment au cœur du Bronx, pendant deux bons mois, et j'ai reçu l'aide de la Police américaine (patrouillant avec les Cops), ainsi que celle de missionnaires évangéliques.

Merci à eux !

Chantal Ève Dupille

 

Comme le sang gicle partout sur les trottoirs du Bronx, les graffitis jaillissent sur les murs de la ville, à chaque point stratégique, sur chaque wagon de métro : inscriptions énormes, slogans accrocheurs, dessins figuratifs ou apocalyptiques, mots obscènes, phrases incompréhensibles, dédicaces hâtives, plaisanteries grossières, initiales gigantesques, commentaires vengeurs, messages politiques, sociaux, amoureux ou écologiques, tout cela fait partie du paysage newyorkais au même titre que les immeubles éventrés, les cimetières de voitures, les églises pentecôtistes.

Les graffitis, c'est la violence et l'imagination étalées sur chaque mur, une débauche de couleurs et de talents éphémères. Il s'agit d'ailleurs moins de décorer les murs, que de délimiter un territoire âprement disputé et de matérialiser son désir d'exister.

Graffiti adorait voir son nom s'étaler en lettres gigantesques, et il n'avait pas son pareil pour dénicher l'emplacement idéal pour exalter sa personne. Mais, par dessus tout, il affectionnait les wagons de métro qui traversaient la ville de part en part. Ainsi, sa réputation dépassait largement les limites du quartier, du moins le croyait-il.

Les Fils de Satan parcoururent à grandes enjambées la distance qui les séparait de l'entrée du métro, cette case noire qui se dresse à intervalles réguliers dans l'échiquier du Bronx. Comme ils s'y attendaient, l'accès était gardé par un policier qui tripotait machinalement sa matraque et son colt pendu à la ceinture.

Les cinq garçons passèrent avec insolence devant le sergent, et Miguel, volontiers farceur, s'amusa même à lui envoyer un pied de nez alors qu'il regardait dans une autre direction.

Hé, qu'est-ce que vous fichez ici, sales garnement ?

Visiblement, le policier n'appréciait ni l'allure des kids ni les grands sacs beiges de super-marché qu'ils tenaient en mains. Il voulut les interpeller mais, déjà, les adolescents avaient disparu.

Sales Portoricains ! grommela l'officier.

Les Fils de Satan gravirent l'escalier quatre à quatre, et ils franchirent les tourniquets encore plus vite.

Hé, là-bas !

Derrière son guichet, le préposé haussa les épaules. Il n'allait pas risquer sa peau pour quelques resquilleurs !

Les cinq kids arrivèrent sur le quai juste au moment où les portes du métro se fermaient en grinçant.

Raté ! commenta Graffiti d'une voix rageuse. Au suivant !

Quelques instants plus tard, on entendit un grondement de roues d'acier et une nouvelle rame, longue et bariolée, fit son entrée. Les Portoricains montèrent dans un wagon à demi plein qui, à leur apparition, se vida aussitôt. En descendant, d'ailleurs, quelques voyageurs reçurent au passage, sur la tête, une mixture puante soigneusement élaborée par les kids eux-mêmes. Ils étaient furieux ! Les garçons, eux, savouraient leur plaisanterie ; joie de terroriser, joie de régner en maîtres, joie, aussi, de voir bientôt la ville défiler à leurs pieds.

pp. 75-76

 

Giscard à l'accordéon – le monde est cruel.

 

Remerciements à BAB qui nous a fait connaître Chantal Dupille, un écrivain hors des chemins battus.

 

Tony Hillerman, Skinwalkers – a nightmare of ritual witchcraft

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Tony Hillerman, Skinwalkers – a nightmare of ritual witchcraft

Tony Hillerman, Skinwalkers, Anthony G. Hillerman, 1986 ; Harper, 2011 – Cover art by Peter Thorpe

Tony Hillerman, Skinwalkers – a nightmare of ritual witchcraft

Tony Hillerman, Anthony Grove Hillerman, né le 27 mai 1925 à Sacred Heart, Oklahoma, et mort le 26 octobre 2008 à Albuquerque, Nouveau-Mexique, est l'auteur de romans policiers ethnologiques et d'essais. Ses récits se tiennent dans la région des Four Corners, à la frontière du Nouveau-Mexique et de l'Arizona. Les premiers personnages sont Joe Leaphorn et Jim Chee de la police tribale Navajo.

 

Three shotgun blasts rip through the side of Officer Jim Chee's trailer as the Navajo Tribal Policeman sleeps. He survives, but the inexplicable attack has raised disturbing questions about a lawman once beyond reproach.

Lieutenant Joe Leaphorn wonders why Chee was a target and what connection the assault has to a series of gruesome murders that has been plaguing the reservation. But the investigation is leading them both into a nightmare of ritual witchcraft, and blood... and into the dark and mystical domain of evil beings of Navajo legend, the « skinwalkers ».

4e de couverture

 

On tire sur l'officier Jim Chee dormant dans son mobile home, trois autres personnes sont découvertes assassinées, dans différents lieux autour de la réserve navajo. Chee et le lieutenant Joe Leaphorn de la police tribale navajo ne trouvent que peu d'indices, de petits morceaux d'os trouvés dans les corps et dans les douilles utilisées lors du tir contre Chee. L'enquête les conduit vers la sorcellerie navajo, les Porteurs de peau (Skinwalkers). Leaphorn ne voit dans la légende qu'une superstition, mais Chee ne peut écarter la tradition.

 

Le roman a été adapté pour la télévision américaine, sur la chaîne PBS, en 2002, sous la direction de Chris Eyre, avec Wes Studi dans le rôle de Joe Leaphorn, Adam Beach dans celui de Jim Chee, dans une production de Robert Redford.

 

When the cat came through the little trapdoor at the bottom of the screen it made a clack-clack sound. […] an uneasy dream.

 

But in a moment he was fully awake, and the uneasiness was replaced by happiness. Mary Landon would be coming. Blue-eyed, slender, fascinating Mary Landon would be coming back from Wisconsin. Just a couple of weeks more to wait.

 

Officer Jim Chee. Navajo. Today he and Jay Kennedy would go out and arrest Roosevelt Bistie so that Bistie could be charged with some degree of homicide – probably with murder. Not a complicated job, but unpleasant enough to cause Chee to change the subject of his thinking again. He thought about the cat. What had driven it in ? The coyote, maybe. Or what ? Obviously something the cat considered a threat.

 

Lieutenant Joe Leaphorn, Navajo, had gone to his office early.

Emma, sa femme, souffrait de la maladie d'Alzheimer. It was incurable. Sa sœur, Agnes, est venue vivre à la maison pour l'assister dans ses derniers moments. And thus Leaphorn found himself uneasy when he was alone with Agnes.

 

Given quiet, and a little time, Leaphorn's mind was very very good at this process of finding logical causes behind apparently illogical effects.

 

Leaphorn's map [was] decorated in a hundred places with colored pins […]. Leaphorn was interested only in three brown pins with withe centers. They marked his homicides.

Homicides were unusual on the reservation.

[…]

Now there were three. […] Irma Onesalt […] Dugai Endocheeney […] Wilson Sam.

The autopsy [of Wilson's corpse] suggested a time of death about the same as Endocheeney's. […] It would have been very difficult for the same man to have killed them both.

[…]

Unless he was a skinwalker.

 

Roosevelt Bistie wasn't at home, his daughter informed them [Jay Kennedy and Jim Chee, coming to pick him up and talk to him].

Bristie's Daughter probably understood English as well as Kennedy, and spoke it as well as Chee, but the way she had chosen to play the game today, she knew only Navajo.

 

L'enquête peut apporter une réponse rassurante, mais l'énigme demeure.

 

« Doesn't matter, anyway », Chee said.

« It's finished. »

 

Une écriture tranchante comme les crocs d'un coyote et douce comme les plumes d'une chouette. Les skinwalkers se métamorphosent à leur gré.

 

On retrouve souvent uneasy, mal à l'aise, uneasiness, malaise, dream, mode cauchemar.

 

Un grand roman.

 

Tony Redhouse, Traditional Navajo Chant

 

Lu en anglais ? C'est la faute à Yueyin.

Chez Yueyin, sa lecture.

 

Alain Jaubert, Une nuit à Pompéi_01 – devant moi, très nue, très blanche

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Alain Jaubert, Une nuit à Pompéi_01 – devant moi, très nue, très blanche

Alain Jaubert, Une nuit à Pompéi, Gallimard, 2008

 

Par une belle nuit d'été, à la faveur d'une fête, trois personnages se glissent au cœur de Pompéi : un homme, le narrateur, et deux femmes, une star de cinéma britannique et une jeune archéologue italienne spécialiste de l'érotisme antique. Dans les ruines des villas romaines, les trois complices se prêtent en toute simplicité à divers jeux amoureux. A la façon des Mille et Une Nuits, ils laissent s'écouler les heures en se racontant histoires et anecdotes qui mêlent les temps anciens aux temps modernes, le sexe antique à celui d'aujourd'hui. La silhouette menaçante du Vésuve plane sur ces scènes et déclenche les souvenirs du narrateur. Des souvenirs liés au volcan, à la ville de Naples, à sa baie et à ses îles enchantées, et qui semblent ponctuer toute une vie pour aboutir à cette nuit pompéienne.

4e de couverture

Alain Jaubert, Une nuit à Pompéi_01 – devant moi, très nue, très blanche

Réalisateur de nombreux films documentaires, Alain Jaubert est l'auteur de la série « Palettes », diffusée depuis 1989 sur Arte et dans le monde entier. Son roman Val Paradis a reçu en 2005 la bourse Goncourt du premier roman et de nombreux autres prix.

4e de couverture

 

Synaulia, The Villa Of Mysteries, in album Music from ancient Rome, Volume 2, Amiata Records, 2002

Synaulia est un groupe de musiciens, archéologues, chorégraphes, appliquant leur recherche historique, en particulier, à la musique et à la danse dans l'antiquité étrusque et romaine.

Alain Jaubert, Une nuit à Pompéi_01 – devant moi, très nue, très blanche

Aphrodite callipyge, Musée Archéologique National de Naples

 

Elle est debout devant moi, très nue, très blanche. Elle me tourne le dos. C'est une toute jeune femme à la chevelure frisée et coiffée en longues et savantes torsades. En appui sur sa jambe gauche, la droite un peu levée de façon à créer une légère dissymétrie dans son dos, elle penche la tête sur son épaule droite et tente de jeter un coup d'œil vers ses fesses comme pour vérifier qu'elles sont bien dénudées et tournées vers moi. Et, en effet, elle relève du bras gauche sa grande tunique plissée, découvrant ses jambes, ses cuisses, ses fesses et ses hanches. A la hauteur des reins, deux petites fossettes surmontent l'espèce de vallonnement en fourche qui précède la raie. Chaque fesse se rattache aux chairs de sa hanche par une ondulation délicate puis tombe, bien ronde et pleine, légèrement débordante vers le haut, refermant sa course en se soudant à l'arrière de la cuisse par une nouvelle ondulation. Les deux courbes, bordant et soulignant le bas des fesses, remontent un peu et se rejoignent sous la raie centrale. Dans le creux assez profond ouvert par la jonction de la raie, des anses charnues des fesses et du haut des cuisses, l'ombre est dense. J'aimerais m'approcher, passer la main sur ces chairs lisses et douces, me baisser, embrasser ces reins et ces rondeurs tendres, étreindre ces hanches, regarder de près cette zone creuse et ombreuse, essayer de voir au plus intime de cette région mystérieuse. Interdit de toucher ! Je ne peux aller plus loin. La jeune femme est de marbre et ne répondra ni à mes caresses ni à ma curiosité.

Elle s'est imposée à moi alors que j'observais d'autres courbes, d'autres plis, un autre trou sombre. Pourquoi ? Pourquoi cette figure vient-elle se superposer à ce paysage terrible que j'ai devant les yeux ? J'étais au sommet du Vésuve, je regardais le cratère lorsque cette statue de l'Aphrodite callipyge, « Aphrodite aux belles fesses », cette émouvante statue du musée de Naples, s'est soudain rappelée à mon souvenir.

Il faudrait peut-être commencer par le commencement.

 

Le Vésuve, son cratère inquiétant, vu d'avion en arrivant de bonne heure. Une envie subite de le revoir de plus près. Un taxi, puis l'ascension sur un large chemin aménagé, avec une cabane : bar, souvenirs, cartes postales et pierres du Vésuve.

 

Porte d'Italie, il part pour Naples en stop, un léger bagage, il y a de cela dix-huit ans. Le second voyage en Italie fut pour Venise, un autre émerveillement, une autre histoire, un autre roman.

 

A Naples, Stendhal, Gérard de Nerval, une fille de la nuit dans le quartier de Piedigrotta, la fille au petit chat : « Che vuoi ? », il la suit, une scène très brève, c'était la première fois.

 

La soixante-dix-neuvième année de notre ère, dans le sud de ce que nous appelons aujourd'hui l'Italie, en plein été, le 24 août exactement, une montagne fertile, réputée pour son vin, ses olives, ses fruits, que les habitants de cette province romaine appelaient Vesuvius, explosa et, en quelques heures ensevelit sous plusieurs mètres de cendres et de lapilli une grande partie de la région située à ses pieds, faisant disparaître villes, hameaux, fermes et luxueuses villas dispersées dans la campagne.

 

On avait alors décidé de célébrer le passage à l'an 2000 par un colloque, « Pompéi, 2000 ans d'histoire », rassemblant érudits et archéologues venus du monde entier et s'achevant par une fête à la hauteur de l'événement.

 

Une rencontre : Marina Wilson, la Natacha de Guerre et Paix, le film de Richard Hayes qui l'a rendue célèbre en 1960, alors qu'elle était encore toute jeune. Une rencontre rappelant une rencontre plus ancienne.

 

Nouvelle histoire, celle d'un jeune homme de dix-huit ans, pilotin sur le Provence, un paquebot faisant halte dans la baie de Naples, chargeant des centaines de pauvres pour les amener en Amérique du Sud où ils espèrent échapper à la misère.

 

En débarquant au port, il est à peine neuf heures et demie, les panneaux d'affichage électronique de la gare maritime marquent déjà 36 degrés.

[…] Je débouche sur la place. Un petit groupe attend sur le perron du musée. […] Sans doute des archéologues, des historiens, des spécialistes de la civilisation romaine.

Ils sont accueillis par le Surintendant pour découvrir la nouvelle disposition des salles, et en priorité le « cabinet secret ».

Alain Jaubert, Une nuit à Pompéi_01 – devant moi, très nue, très blanche

Pan donnant une leçon de musique au berger Daphnis, marbre, Ier siècle av. J.-C., collection Farnèse, Musée Archéologique National de Naples – copie romaine d'un original grec d'Héliodore (IIIe-IIe siècle av. J.-C.)

 

Anna Maria Caprioli, jeune, grande, pulpeuse, guide et commente : une sculpture bizarre, Daphnis, au destin tragique, Daphnis initié par Pan à la musique, et peut-être plus – on voit un satyre poilu, couillu et frémissant sous le prépuce, et un tout jeune homme au zizi de garçonnet, les cuisses écartées.

La réputation sulfureuse du cabinet secret l'a fait interdire au public jusqu'au deuxième tiers du XXe siècle.

Alain Jaubert, Une nuit à Pompéi_01 – devant moi, très nue, très blanche

Cippe funéraire en forme de phallus, Musée Archéologique National de Naples

 

Anna Maria nous entraîne vers la seconde salle. Un cippe funéraire en forme d'énorme phallus.

 

Les scènes érotiques s'exposent de salle en salle. Phallus en érection, fesses rebondies, c'est très chaud. Il fait très chaud. Anna Maria en est ruisselante sous sa petite cotonnade vert amande devenue moulante.

Ils se donnent rendez-vous pour le lendemain soir, à la réception.

 

Naples, avril 1974. Pluies incessantes. Bord de mer.

Il faut s'arrêter là, dit l'homme. On ne peut pas continuer ainsi. C'est un vrai déluge.

Comme tu voudras, dit la femme.

Il y a un grand hôtel vieillot, le MIRAMARE, en lettres d'or sur le fronton de marbre blanc. Au comptoir, un vieil employé poussiéreux, comme le velours rouge de l'ascenseur en panne. Marbres ébréchés, acajou défraîchi, miroir au tain piqueté. Une fissure en zigzag traverse le plafond de la chambre. Dans les couloirs, des photos antiques, jaunies, dédicacées témoignent d'un ancien faste.

On se croirait l'année dernière à Marienbad.

 

Le temps passe, le béton a remplacé le rivage, les ordures, la nature. Le chemin du Mont Misène est devenu zone militaire interdite. Il y a des trous dans la clôture de barbelés.

Entrons.

Au bout d'un instant, je sentis que mes semelles écrasaient de drôles de choses qui rendaient un son curieux. Je me penchai et je vis que le sol était tapissé, littéralement tapissé, de seringues. Autour des seringues et accrochés un peu partout dans les piquants de genévriers ou les touffes de genêts, des centaines de préservatifs, des blancs, des roses, des jaunes.

Le temps... Seul le Vésuve est éternel.

Et, en redescendant vers Misène et Bacoli, je me remémorai deux épisodes que j'avais vécus en Italie au cours des années précédentes.

[…]

Rome, 1998. Je prépare un film sur David et sur ses Sabines.

Via del Monte Tarpeio. Le chemin vers le Monte Caprino est barré par des barbelés. Un passage permet de se glisser dans la zone interdite. Des garçons s'enlacent, le sol est couvert de seringues et de préservatifs de toutes les couleurs.

 

Gênes, l'année suivante. Je tourne un film sur Nietzsche. J'ai choisi de refaire tous les itinéraires et toutes les étapes de la vie de ce personnage que j'aime avec tendresse. Il arrive à Gênes début octobre 1881, juste après avoir quitté Sils-Maria.

[…]

Friedrich Nietzsche habite donc Gênes pour la troisième fois et durant six mois, du dimanche 2 octobre 1881 au mercredi 29 mars 1882.

Le dimanche, il va faire un tour dans « son jardin » (Ich war in meinem Garten...), celui de La Villetta Di Negro, détruite lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Le jardin est en zone interdite (Divieto di accesso), encore... et encore cette mince couche d'objets vénéneux et à jamais imputrescibles.

Toujours les mêmes questions, et nulle réponse.

 

J'arrive chez Marina. Elle est prête. Elle m'attendait sur sa terrasse, allongée à l'ombre d'un grand parasol rose, une bouteille d'eau minérale posée sur la table à côté d'elle.

Alain Jaubert, Une nuit à Pompéi_01 – devant moi, très nue, très blanche

La Villa des Mystères les attend.

 

1968 ! Ce fut une drôle d'année, chacun sait cela.

Paestum. Une tombe grecque à caisse. Des scènes peintes avec personnages, datant des environs de l'an 480 avant notre ère, c'était la première découverte d'une peinture grecque non décorative intacte.

[…] deux hommes, un jeune qui tient une lyre et un plus âgé, se caressent en se regardant tendrement.

 

Avec Marina. Nous nous garons près de l'entrée des fouilles de Cumes. L'antre de la Sibylle de Cumes. Virgile... Ibant obscuri sola sub nocte per umbram.

Avec Marina... un vrai savium... la suite est unprintable.

 

En fait la Sibylle, c'était une vulgaire prêtresse ! Et ce que les visiteurs venaient voir c'était la FEMME ! Et ce qu'elle leur montrait, ça ne pouvait être autre chose que son cul !

 

Revenons au jour, ou à la nuit venue : la nuit venue, Anna Maria conduit Marina Wilson et le narrateur – vous suivez ? – dans les lieux cachés de Pompéi. Un panier : champagne, assortiment de canapés, gâteaux.

 

Au lupanar, on lit : Arpocras hic cum Drauca bene futuit denario – ce qui ne se traduit pas.

Et puis : Hic ego puellas multas futui. Ou encore : Vos mea mentula desuerit, dolete, puellae, pedicat culum. Cunne superbe, vale. Et : Ieri nella fica / Oggi nella bocca / Domani nel culo (un charmant poème récent en italien).

 

Anna Maria a posé la torche allumée sur un socle.

Mais en fin de compte, demande Marina, comment les Romains vivaient-ils leur sexualité ? Vraiment comme on l'a dit ? Comme on le lit dans le Satiricon ?

Oui, il faut que je vous donne d'abord un petit aperçu des façons de faire l'amour chez les Romains. Ça se résume par cinq verbes : futuere, pedicare, fellare, lingere, irrumare.

 

La suite nocturne, à trois, relègue La Philosophie dans le boudoir au rayon des contes édifiants.

 

* * * à suivre...

 

Alain Jaubert, Une nuit à Pompéi_02 – récits enchevêtrés

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Précédemment : Alain Jaubert, Une nuit à Pompéi_01 – devant moi, très nue, très blanche

 

Synaulia, The Villa Of Mysteries, in album Music from ancient Rome, Volume 2, Amiata Records, 2002

Synaulia est un groupe de musiciens, archéologues, chorégraphes, appliquant leur recherche historique, en particulier, à la musique et à la danse dans l'antiquité étrusque et romaine.

Alain Jaubert, Une nuit à Pompéi_02 – récits enchevêtrés

Francesco Guarino, Sainte Agathe

 

Dès que j'ai découvert la Sainte Agathe de Francesco Guarino, Sant'Agata pour les Napolitains, à la chartreuse de San Martino, j'ai été séduit. Agathe, en une pose alanguie, l’œil voluptueux, l'épaule offerte, cache, sous un linge ensanglanté qui montre plus qu'il ne voile, son sein torturé par le bourreau.

 

* Lire la Légende Dorée en annexe.

 

Nous sommes revenus vers la région du Forum. En passant devant la boulangerie de Modestus, Anna Maria nous montre le four et les meules.

Un peu plus loin, le lupanar est encore là. Nouveaux contes moraux, si l'on peut dire.

Tu as remarqué qu'entre la valve de la coquille de Vénus et sa vulve, il n'y a qu'une lettre de différence...

[…]

Le v place les lèvres en position d'un baiser...

Et ça recommence.

Attention, lente impelle !

Et ça continue...

 

Un ultime regard au volcan noir avant la fête.

[…]

Et il continuera à déclencher dans le corps de ses visiteurs ces puissants spasmes de sang et de fièvre qui les pousseront à inventer, le jour comme la nuit, les plus sauvages étreintes. Des corps et des noms, des postures et des figures dont il ne restera, à tout jamais, rien. Rien, sauf quelques peintures, quelques images, quelques graffitis, quelques amulettes. Mais aussi la magie des récits emboîtés, ressassés, déployés à l'infini.

 

Les récits enchevêtrés des personnages se croisent, se relient, se répondent d'une époque à une autre.

Un fil ? Les lieux : le Vésuve, Sorrente, la mer. Le temps : passant ou fixé dans la cendre. L'amour : la chaleur, l'érotisme pompéien. Les nourritures terrestres : Une soupe de poissons, des filets de Mérou, des fromages de Campanie et quelques pâtisseries napolitaines dont des parts de pastiera puisque Pâques était proche ! […] une eau de vie tirée du Lacrima-Christi.

 

Nourritures terrestres ? Vous avez dit : nourritures terrestres ? En Chine, aujourd'hui ?

 

Le grand plongeon n'aura jamais de cesse. Nous ne cessons pas de mourir, nous ne cessons pas de vivre.

 

_ _ _

 

ANNEXE

 

Sainte Agathe, Vierge

 

Agathe, vierge de race noble et très belle de corps, honorait sans cesse Dieu en toute sainteté dans la ville de Catane. Or, Quintien, consulaire en Sicile, homme ignoble, voluptueux, avare et adonné à l’idolâtrie, faisait tous ses efforts pour se rendre maître d'Agathe. Comme il était de basse extraction, il espérait en imposer en s'unissant à une personne noble; étant voluptueux, il aurait joui de sa beauté; en s'emparant de ses biens, il satisfaisait son avarice; puisqu'il était idolâtre, il la contraindrait d'immoler aux dieux. Il se la fit donc amener. Arrivée en sa présence, et ayant connu son inébranlable résolution, il la livra entre les mains d'une femme de mauvaise vie nommée Aphrodisie, et à ses neuf filles débauchées comme leur mère, afin que, dans l’espace de trente jours, elles la fissent changer de résolution. Elles espéraient ; soit par de belles promesses, soit par des menaces violentes, qu'elles la détourneraient de son bon propos. La bienheureuse Agathe leur dit : « Ma volonté est assise sur la pierre et a J.-C. pour base ; vos paroles sont comme le vent, vos promesses comme la pluie, les terreurs que vous m’inspirez comme les fleuves. Quels que soient leurs efforts, les fondements de ma maison restent solides, rien ne pourra l’abattre. »En s'exprimant de la sorte, elle ne cessait de pleurer et chaque jour elle priait avec le désir de parvenir à la palme du martyre. Aphrodisie voyant Agathe rester inébranlable dit à Quintien : « Amollir les pierres, et donner au fer, la flexibilité du plomb serait plus facile que de détourner l’âme de cette jeune fille des pratiques chrétiennes et de la faire changer. »Alors Quintien la fit venir et lui dit : « De quelle condition es-tu ?Elle, répondit : « Je suis noble et même d'une illustre famille, comme ma parenté en fait foi. » Quintien lui dit : « Si tu es noble, pourquoi, par ta conduite as-tu des habitudes de personne servile ? » « C'est, dit-elle, que je suis servante de J.-C., voilà pourquoi je parais être une personne servile. » Quintien : « Puisque tu es noble, comment te dis-tu servante ? »Elle répondit : « La souveraine noblesse, c'est d'être engagée au service de J.-C. » Quintien : « Choisis le parti que tu voudras, ou de sacrifier aux dieux, ou d'endurer différents supplices. » Agathe lui répondit : « Que ta femme ressemble à ta déesse Vénus, et toi-même, sois tel que l’a été ton dieu Jupiter. » Alors Quintien ordonna de la souffleter avec force en disant : « N'injurie pas ton juge par tes plaisanteries téméraires. » Agathe répliqua : « Je m’étonne qu'un homme prudent comme toi en soit arrivé à ce point de folie d'appeler tes dieux ceux dont tu ne voudrais pas que ta femme, ou bien toi, suivissiez les exemples, puisque tu dis que c'est te faire injure que de te souhaiter de vivre comme eux. En, effet si tes dieux sont bons, je ne t'ai souhaité que du bien ; mais si tu as horreur de leur ressembler, tu partages mes sentiments. » Quintien : « Qu'ai je besoin d'entendre une série de propos superflus ? Ou sacrifie aux dieux, ou je vais te faire mourir par toute espèce de supplices. » Agathe : « Si tu me fais espérer d'être livrée aux bêtes, en entendant le nom de J.-C., elles s'adouciront ; si tu emploies le feu, les anges répandront du ciel sur moi une rosée salutaire ; si tu m’infliges plaies et tortures, je possède en moi le Saint-Esprit par la puissance duquel je méprise tout. »

Alors le consul la fit jeter en prison, parce qu'elle le confondait publiquement par ses discours. Elle y alla avec grande liesse et gloire, comme si elle fût invitée à un festin; et elle recommandait son combat au Seigneur. Le jour suivant, Quintien lui dit : « Renie le Christ et adore les dieux. » Sur son refus, il la fit suspendre à un chevalet et torturer. Agathe dit : « Dans ces supplices, ma délectation est celle d'un homme qui apprend une bonne nouvelle, ou qui voit une personne longtemps attendue, ou qui a découvert de grands trésors. Le froment ne peut être serré au grenier qu'après avoir été fortement battu pour être séparé de sa balle; de même mon âme ne peut entrer au paradis avec la palme du martyre que mon corps n'ait été déchiré avec violence par les bourreaux. » Quintien en colère lui fit tordre les mamelles et ordonna qu'après les avoir longtemps tenaillées, on les lui arrachât. Agathe lui dit : « Impie, cruel et affreux tyran, n'as-tu pas honte de mutiler dans une femme ce que tu as sucé toi-même dans ta mère ? J'ai dans mon âme des mamelles toutes saines avec lesquelles je nourris tous mes sens; et que j'ai consacrées au Seigneur dès mon enfance. » Alors il commanda qu'on la fît rentrer en son cachot avec défense d'y laisser pénétrer les médecins, et de ne lui servir ni pain, ni eau. Et voilà que vers le milieu de la nuit, se présente à elle un vieillard précédé d'un enfant qui portait un flambeau, et ayant à la main divers médicaments. Et il lui dit : « Quoique ce magistrat insensé t'ait accablée de tourments, tu l’as encore tourmenté davantage par tes réponses, et quoiqu'il t'ait tordu ton sein ; mais son opulence se changera en amertume : or comme j'étais présent lors de toutes tes tortures, j'ai vu que ta mamelle pourrait être guérie. » Agathe lui dit : « Je n'ai jamais employé la médecine pour mon corps, et ce me serait honte de perdre un avantage que j'ai conservé si longtemps. » Le vieillard : « Ma fille, je suis chrétien, n'aie pas de honte. » Agathe : « Et qui me pourrait donner de la honte, puisque vous êtes un vieillard fort avancé en âge ? D'ailleurs mon corps est si horriblement déchiré. que personne ne pourrait concevoir pour moi aucune volupté : mais je vous rends grâces, mon seigneur et père, de l’honneur que vous me faites en vous intéressant à moi. » « Et pourquoi donc, répliqua le vieillard, ne me laisses-tu pas te guérir ? » « Parce que, répondit Agathe, j'ai mon Seigneur J.-C. qui d'une seule parole guérit et rétablit toutes choses. C'est lui, s'il le veut, qui peut me guérir à l’instant. » Et le vieillard lui dit en souriant : « Et je suis son apôtre; et c'est lui-même qui m’a envoyé vers toi ; sache que, en son nom, tu es guérie. » Aussitôt l’apôtre saint Pierre disparut. La bienheureuse Agathe se prosterna et rendit grâces à Dieu ; elle se trouva guérie par tout son corps et sa mamelle était rétablie sur sa poitrine. Or, effrayés de l’immense lumière qui avait paru, les gardes avaient pris la fuite en laissant le cachot ouvert, alors quelques personnes la prièrent de s'en aller. « A Dieu ne plaise que je m’enfuie, dit-elle, et que je perde la couronne de patience ! Je mettrais mes gardiens dans la tribulation. »

Quatre jours après, Quintien lui dit d'adorer les dieux afin qu'elle n'eût pas à endurer de plus grands supplices. Agathe lui répondit : « Tes paroles sont insensées et vaines; elles souillent l’air et sont iniques, Misérable sans intelligence; comment veux-tu que j'adore des pierres et que je répudie le Dieu du ciel qui m’a guérie ? » Quintien : « Et qui t'a guérie ? » Agathe : « J.-C., le fils de Dieu. » Quintien : « Tu oses encore proférer le nom du Christ que je ne veux pas entendre ? » Agathe : « Tant que je vivrai, j'invoquerai J.-C. du cœur et des lèvres. » Quintien : « Je vais voir si le Christ te guérira. » Et il ordonna qu'on parsemât la place de fragments de pots cassés, que sur ces tessons on répandit des charbons ardents, puis qu'on la roulât toute nue dessus. Pendant qu'on le faisait, voici qu'il survient un affreux tremblement de terre ; il ébranla tellement la ville entière que deux conseillers de Quintien furent écrasés sous les ruines du palais et que tout le peuple accourut vers le consul en criant que c'était uniquement pour l’injuste cruauté exercée contre Agathe que l’on souffrait ainsi. Quintien craignant et le tremblement de terre, et une sédition du peuple, fit reconduire Agathe en prison; où elle fit cette prière : « Seigneur J.-C., qui m’avez créée, et m’avez gardée dès mon enfance, qui avez préservé mon coeur de souillure, qui l’avez sauvegardé contre l’amour du siècle, et qui m’avez fait vaincre les tourments, en m’octroyant la vertu de patience, recevez mon esprit et permettez-moi de parvenir jusqu'à votre miséricorde. » Après avoir adressé cette prière, elle jeta un grand cri, et rendit l’esprit vers l’an du Seigneur 253, sous l’empire de Dèce. Au moment où les fidèles ensevelissaient son corps avec des aromates et le mettaient dans le sarcophage, apparut un jeune homme vêtu de soieries, accompagné de plus de cent autres hommes fort beaux ; ornés de riches vêtements blancs, qu'on n'avait jamais vus dans le pays ; il s'approcha du corps de la sainte, à la tête de laquelle il plaça une tablette de marbre ; après quoi il disparut aussitôt. Or, cette table, portait cette inscription : « Ame sainte, généreuse, honneur de Dieu, et libératrice de sa patrie. » En voici le sens : Elle eut une âme sainte ; elle s'offrit généreusement, elle rendit honneur à Dieu, et elle délivra sa patrie. Quand ce miracle eut été divulgué, les gentils eux-mêmes et les Juifs commencèrent à grandement vénérer son sépulcre. Pour Quintien, comme il allait faire l’inventaire des richesses de la sainte, deux de ses chevaux prirent le mors aux dents et se mirent à ruer; l’un le mordit et l’autre le frappa du pied et le fit tomber dans un fleuve, sans qu'on ait pu jamais retrouver son corps. Un an après, vers le jour de la fête de sainte Agathe, une montagne très haute qui est près de la ville, fit éruption et vomit du feu qui descendait comme un torrent de la montagne, mettait en fusion les rochers et la terre, et venait avec impétuosité sur la ville. Alors une multitude de païens descendirent de la montagne, coururent au sépulcre de la sainte, prirent le voile dont il était couvert et le placèrent devant le feu. Le jour du martyre de cette vierge le feu s'arrêta subitement et ne s'avança pas. Voici ce que dit saint Ambroise en parlant de cette vierge, en sa préface : « O heureuse et illustre vierge qui mérita de purifier son sang par, un généreux martyre pour la gloire du Seigneur ! O glorieuse et noble vierge, illustrée d'une double gloire, pour avoir fait toutes sortes de miracles au, milieu des plus cruels tourments, et qui, forte d'un secours mystérieux, a mérité d'être guérie par la visite de l’apôtre ! Les cieux reçurent cette épouse du Christ ; ses restes mortels sont l’objet d'un glorieux respect. Le chœur des anges y proclame la sainteté de son âme et lui attribue la délivrance de sa patrie. »

 

La Légende Dorée du Bienheureux Jacques de Varazze ou de Voragine, archevêque de Gênes, au XIIIe siècle (1230-1298).

 

Malcolm Mackay, Ne reste que la violence

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Malcolm Mackay, Ne reste que la violence

Malcolm Mackay, Ne reste que la violence (The Sudden Arrival of Violence), traduit de l'anglais par Fanchita Gonzalez Battle, Liana Levi, 2014

Malcolm Mackay, Ne reste que la violence

Malcolm Mackay est né et a grandi à Stornoway, dans les îles Hébrides, en Écosse, et c’est là qu’il écrit ses romans. Il faut tuer Lewis Winter, paru en janvier 2013 (Le Livre de poche, 2014), a été choisi par le magazine Lire parmi les dix meilleurs polars de l’année. Comment tirer sa révérence a reçu le prix du meilleur polar écossais de l’année 2013.

 

Être consciencieux et prendre son boulot de tueur à gages avec le même sérieux que n’importe quel travail ne vous protège pas du dégoût. Depuis qu’il a dû éliminer Frank MacLeod, Calum reste le seul homme de main de Peter Jamieson et cela ne lui convient pas. D’ailleurs, sa décision est prise: à l’occasion de sa prochaine mission il va se faire la belle. En douceur, sans trop de casse. Mais dans le monde du crime organisé, la douceur n’est pas de mise. La seule issue possible serait-elle encore et toujours la violence ? Le troisième et dernier volet d’une trilogie déjà mythique.

4e de couverture

 

Il ne comptait pas rester aussi tard à son bureau. Il est déjà plus de sept heures. […] Il est comptable depuis trente-cinq ans ; de quoi se résigner à n'importe quoi. […] Richard Hardy est heureux de ce qu'il a.

[…]

Ses clients sont fidèles parce que c'est un comptable fiable, solide, discret.

[…]

Il prend son manteau accroché derrière la porte. Il fait froid dehors. Il n'est pas du tout pressé. Personne ne l'attend chez lui. Sa femme est morte il y a douze ans ; ils n'avaient pas d'enfants.

 

L'inspecteur Lawrence Mullen et l'officier enquêteur Edward Russell interceptent Richard Hardy : il doit les suivre au commissariat ; il s'agit d'une enquête sur un de ses clients qui utiliserait son affaire légale pour couvrir des activités criminelles.

 

Depuis vingt ans, David « Fizzy » Waters et Shug Francis tiennent un réseau de trafic de voitures volées, le meilleur dans la ville. Un trafic rentable, mais pas assez au gré de Shug : il veut davantage, il veut s'emparer du territoire de Peter Jamieson, il veut entrer dans le trafic de drogue.

 

Richard Hardy est gênant.

 

Calum MacLean a trouvé l'élimination désagréable.

 

Richard Hardy est dans la fosse. Kenny, l'homme de main qui a creusé à grand peine la terre gelée est abattu par Calum. Il a creusé sa tombe.

 

Calum veut se retirer du jeu. Discrètement. Les autres, non plus.

 

William, le grand frère de Calum, doit l'aider à fuir. Avec le secours d'un faussaire. Si Jamieson apprend que William a aidé Calum à fuir, les conséquences seront plus graves que la prison.

 

Les conséquences... Tout ne s'est pas bien passé, se dit Calum.

 

Sachez seulement qu'il a pris un train.

Ils ne trouveront pas Calum. Il est parti. Pour de bon. Il est assez intelligent pour disparaître pour toujours. Jamieson lui-même n'essaiera probablement pas de le chercher.

 

Un déroulement lent – ce n'est pas pour nous déplaire – dans une logique implacable – on fait le ménage avant de quitter les lieux.

Malcolm Mackay, Ne reste que la violence

Noël 2014 – Joyeux bergers, hâtez-vous, ah !

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Jean-Sébastien Bach, Oratorio de Noël, BWV 248, 1734, Monteverdi Choir and English Baroque Soloists, dir. Sir John Eliot Gardiner, 1999

 

à 33' 09"

 

Frohe Hirten, eilt, ach eilet, Eh ihr euch zu lang verweilet, Eilt, das holde Kind zu sehn ! Geht, die Freude heißt zu schön, Sucht die Anmut zu gewinnen, Geht und labet Herz und Sinnen !

 

Joyeux bergers, hâtez-vous, ah ! hâtez-vous, avant de vous attarder trop longtemps, hâtez-vous d’aller voir le gracieux enfant ! Allez, la joie est trop belle, cherchez à gagner sa faveur, allez et repaissez votre cœur et votre âme !

 

* * *

 

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc, 2, 1-21

 

En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre – ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie.

Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine.

Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et de la lignée de David.

Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte.

Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli.

Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.

Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux.

L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte.

Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple :

Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur.

Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »

Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant :

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. »

Lorsque les anges eurent quitté les bergers pour le ciel, ceux-ci se disaient entre eux : « Allons jusqu’à Bethléem pour voir ce qui est arrivé, l’événement que le Seigneur nous a fait connaître. »

Ils se hâtèrent d’y aller, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire.

Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant.

Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers.

Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qui leur avait été annoncé.

Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception.

 


Le thérondelle_2015 – liquidation totale

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Le taxi s'est rangé à six heures, comme prévu, devant l'enseigne Au Blanc-Cass'. Lou de Libellus avait tout prévu, il avait dépensé sans compter. Mimile and his big band ont fini leurs tournées matutinales, a'c eul'z'olives ! pour la route.

Popol, Bébert, Dédé, Gégène, Juju et Riri se sont embarqués sous les étoiles, en ce 31 décembre 2014, avec une caisse de mousseux et un panier de tartines aux rillettes.

Paris était à trois heures et demi, le train ne partait qu'à dix heures de la gare Montparnasse, le monospace nippon filait bon train sur l'autoroute. La bande à Mimile s'est arrêtée contre une glissière d'insécurité.

Un promeneur aurait entendu une explosion, mais les miettes sont muettes.

 

Des Pas Perdus de La Butte, selon son ordinaire, n'a pas entendu le réveil. Il avait passé la nuit au dépôt avec ses copains de gauche, et, de ce fait, les bus étaient en grève ce matin. Neuf heures trente-cinq. En vingt minutes, sur ses rollers, il serait sur le quai.

Le train démarrait. Il a tenté, selon une rouge coutume, de le prendre en marche, et il a raté la marche. Les jambes broyées, on ne sait pourquoi, il n'a plus donné signe de vie. Un malotru !

 

Mimile, en sage, avait pris le TGV, qui, ce jour-là, hélas ! pour lui, est arrivé à l'heure.

Le thérondelle_2015 – liquidation totale

L'Orient-Express avec tous ses wagons – Lou de Libellus a tout prévu, il a dépensé sans compter – s'élance de Montparnasse vers Brest, au bout du chemin, où l'on fêtera tranquillement le nouvel an, après une flânerie de tout repos – selon le programme annoncé.

 

Clothilde-Éléonore et son cher Charles-Édouard, Mathieu-Simon, leur fils, et Tahiana, sa chère et tendre, Tsimihahy et son tout petit frère, Tahiry, sont encore du voyage.

Paul-Hervé et Philomène-Héloïse sont au salon avec leur grand Ludovic-Antoine.

Tahiry est aux commandes. Il n'a qu'un an, il est en avance comme son frère aîné.

Le thérondelle_2015 – liquidation totale

Là, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté.

 

Mimile se met au comptoir.

 

Peu après, Charles-Édouard s'écroule au bar, a'c eul'z'olives, un cure-dent planté dans l’œil droit : il avait un problème avec la boisson. Clothilde-Éléonore s'effondre alors en collapsus et Mathieu-Simon s'étrangle avec un trognon de pomme d'Adam.

 

Paul-Hervé – peu chanceux dans ses placements – s'étouffe en s'allongeant, avec Philomène-Héloïse, dans son lit inopinément, fortuitement et par hasard, replié tout seul. Ludovic-Antoine en tombe de sa couchette.

 

Codex Urbanus du Sacré Cœur de Montmartre se noie dans les WC, pourtant fermés de l'intérieur.

 

Un grand fracas ! Dame Yueyin vient de se fracasser sous des malles de livres mal empilées ; le pronostic vital d'une collection complète de Tolkien, unique sous les latitudes civilisées, est engagé.

Pendant ce temps, son Escargolio réjoui se grille à la chaleur des fourneaux lors d'une excursion suffocante aux cuisines.

 

En toute innocence, Karine de La Saguenay joue avec les gosses – un jeu taquin qui lui est familier : elle se les envoie en l'air, une fenêtre est ouverte, elle se penche pour les rattraper. E pericoloso sporgersi, c'était écrit sur le grand rouleau.

 

Mimile, assoiffé, crie : « Laissez-moi descendre ! »

 

Aline-Idothée de Casablanca s'envole de la terrasse Fumeurs en chantant : « Je plane ! » ; elle avait revêtu la panoplie Papillon livrée par le Père Noël à Tsimihahy ; Fumer tue ; on longeait la Vilaine, l'air de la campagne ne fleurait pas que le tabac.

 

Erwin « Screwdriver » Lawrence avait été une fois de plus retenu par un nouvel an d'enfer au Foyer du Quatrième Age de Caussade. Il n'a pas digéré les marrons de la dinde.

 

Et Cath ? Les arpents de neige de son pays l'avait empêchée de rejoindre le convoi funèbre.

 

Minuit ! Entendez sonner le glas !

 

Post Scriptorium, générique

 

* * * Bonne année 2015 à tous * * *

 

* * *

 

Déjà paru au Thérondelle :

 

Le thérondelle

http://www.libellus-libellus.fr/article-29729004.html

 

Le thérondelle 02

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_02-a-va-casser-50786154.html

 

Le thérondelle 03

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_03-a-casse-de-partout-66024478.html

 

Le thérondelle 04

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_04-la-crise-n-est-pas-une-fatalite-66681861.html

 

Le thérondelle 05

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_05-banderille-ou-banderole-a-chie-de-partout-67717438.html

 

Le thérondelle 06

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_06-rondelle-ou-nuage-69437987.html

 

Le thérondelle 07

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_07-moi-j-aime-le-music-hall-et-charles-trenet-fukushima-03-70005841.html

 

Le thérondelle 08

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_08-la-dame-au-camelia-71042830.html

 

Le thérondelle 09

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_09-colchiques-dans-les-pres-73592474.html

 

Le thérondelle 10

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_10-un-cauchemar-74204346.html

 

Le thérondelle 11

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_11-des-idees-pres-de-chez-vous-75035415.html

 

Le thérondelle 12

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_12-fromages-78050510.html

 

Le thérondelle 13

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_13-voila-justement-ce-qui-fait-que-votre-fille-est-muette-103708088.html

 

 

Le thérondelle 14

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_14-le-macaron-111360683.html

 

Le thérondelle 15

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_15-y-a-bon-banania-111362006.html

 

Le thérondelle 16

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_16-place-eud-clichy-111977305.html

 

Le thérondelle 17

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_17-chez-mimile-113481887.html

 

Le thérondelle 18

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_18-from-russia-with-love-114655152.html

 

Le thérondelle 19

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_19-115304785.html

 

Le thérondelle 20

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_20-sous-les-cocotiers-116043832.html

 

Le thérondelle 21

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_21-saint-kitts-and-nevis-home-sweet-confectionery-119313078.html

 

Le thérondelle 22

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_22-31-decembre-2013-le-soir-le-plus-long-121735884.html

 

* * *

 

Chez Mimile.

 

Chez Mimile – les routes ne sont plus sûres

http://www.libellus-libellus.fr/article-chez-mimile-les-routes-ne-sont-plus-sures-76113033.html

 

Chez Mimile_02 – Oursel et Avarie

http://www.libellus-libellus.fr/article-chez-mimile_02-oursel-et-avarie-77106636.html

 

Chez mimile_03 – dans le commerce, rien ne va plus

http://www.libellus-libellus.fr/article-chez-mimile_03-dans-le-commerce-rien-ne-va-plus-103922190.html

 

Chez Mimile_04 – la Poste-Par-Tom

http://www.libellus-libellus.fr/article-chez-mimile_04-la-poste-par-tom-112341909.html

 

Chez Mimile_05 – dieu est mort

http://www.libellus-libellus.fr/article-chez-mimile_05-dieu-est-mort-120699744.html

 

Retrouvez la bande à Mimile chez les dames du Thérondelle.

 

Le thérondelle_17 – chez Mimile

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_17-chez-mimile-113481887.html

 

Le thérondelle_21 – Saint Kitts and Nevis, home, sweet confectionery

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_21-saint-kitts-and-nevis-home-sweet-confectionery-119313078.html

 

Et les anciens d'Anacoluthes.

 

Anacoluthes

http://www.libellus-libellus.fr/article-anacoluthes-erwin-screwdriver-lawrence-116074505.html

 

Anacoluthes 02

http://www.libellus-libellus.fr/article-anacoluthes_02-despasperdus-le-flingueur-de-la-butte-116073756.html

 

Anacoluthes 03

http://www.libellus-libellus.fr/article-anacoluthes_03-escargolio-the-50ft-snail-116449095.html

 

Anacoluthes 04

http://www.libellus-libellus.fr/article-anacoluthes_04-yueyin-la-gaufre-ou-la-quiche-116509736.html

 

Anacoluthes 05

http://www.libellus-libellus.fr/article-anacoluthes_05-codex-urbanus-le-noctambule-117304477.html

 

Anacoluthes 06

http://www.libellus-libellus.fr/article-anacoluthes_06-karine-la-collectionneuse-118971938.html

 

Anacoluthes 07

http://www.libellus-libellus.fr/article-anacoluthes_07-idothee-la-diva-du-divan-122674940.html

 

Olivier Messiaen, Peter Hill, La Fauvette Passerinette

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Olivier Messiaen, Peter Hill, La Fauvette Passerinette

Olivier Messiaen, La Fauvette Passerinette, 1961, A Messiaen premiere, with birds, landscapes & homages, Peter Hill, Delphian, 2014

Olivier Messiaen, Peter Hill, La Fauvette Passerinette

Olivier Messiaen était un compositeur, organiste, professeur et ornithologue français dont la musique est imprégnée par sa foi chrétienne (Vingt regards sur l'Enfant-Jésus, suite pour piano, 1944), son goût de l'exotisme (Harawi, chant d'amour et de mort, pour soprano et piano, 1945) et son amour de la nature (Catalogue d'oiseaux, pour piano, octobre 1956- septembre 1958).

En 1939, Messiaen est mobilisé, et en 1940, il est prisonnier en Allemagne (Stalag VIII-A à Görlitz). Il compose durant sa réclusion son Quatuor pour la fin du Temps. La première est donnée dans le camp le 15 janvier 1941 par un groupe de musiciens prisonniers, la partie du piano étant jouée par le compositeur. Libéré en mars 1941, il retourne enseigner à Paris où il devient professeur d'harmonie au Conservatoire en 1942. Il y rencontre une jeune élève, Yvonne Loriod, qui devient la première et la principale interprète de ses œuvres pour piano. Sa première femme meurt en 1959, dans un hôpital psychiatrique ; il épouse Yvonne Loriod en 1961.

Olivier Messiaen, Peter Hill, La Fauvette Passerinette

Peter Hill est un pianiste et musicologue anglais né en 1948. Il est actuellement Professeur à l'université de Sheffield (Messiaen, Mozart, le contrepoint baroque, l'interprétation).

Dès 1974, son talent fut reconnu par un premier prix à Darmstadt, pour son interprétation des œuvres de Cage et Stockhausen, et son enregistrement intégral (ou presque) des pièces pour piano seul de Messiaen, réalisé avec le concours du compositeur. Il a également enregistré Beethoven (Variations Diabelli), Stravinsky, Schoenberg, Berg et Webern.

 

Olivier Messiaen, La Fauvette Passerinette

 

In 2012, leading pianist and Massiaen scholar Peter Hill made a remarkable discovery among the composer's papers : several pages of tightly written manuscript from 1961, constituting a near-complete and hitherto unknown work for piano. Hill was able to fill in some missing dynamics and articulations by consulting Messiaen's birdsong notebooks, and gave the work's first public performance in the autumn of 2013.

Delphian

Olivier Messiaen, Peter Hill, La Fauvette Passerinette

Fauvette passerinette (Sylvia cantillans)

 

La fauvette à lunettes, à tête noire ou orphée est déjà présente dans le Catalogue d'oiseaux. La fauvette des jardins inspire une longue pièce pour piano en 1970.

1961 : l'année où le compositeur épouse sa pianiste, Yvonne Loriod. C'est elle qui, à la mort d'Olivier Messiaen, en 1992, confie ses papiers à Peter Hill, leur ami, en vue d'une biographie autorisée (Peter Hill, Nigel Simeone, Olivier Messiaen, Fayard, 2008).

Olivier Messiaen avait noté le chant de la fauvette passerinette en même temps que celui du traquet stapazin pour son Catalogue d'oiseaux., les deux passereaux partageant le même habitat, sur les vignobles en terrasses de la Côte Vermeille.

A cette page inédite, Peter Hill associe des pièces qui l'annoncent, comme les Oiseaux tristes de Maurice Ravel, ou lui répondent : Karlheinz Stockhausen, Klavierstücke VII et VIII ; Tristan Murail, Cloches d'adieu, et un sourire (in memoriam Olivier Messiaen).

« La nature, les chants d’oiseaux ! Ce sont mes passions. Ce sont aussi mes refuges. Dans les heures sombres, […] que faire, sinon retrouver son visage oublié quelque part dans la forêt, dans les champs, dans la montagne, au fond de la mer, au milieu des oiseaux ?

C’est là que réside pour moi la musique ».

(texte rédigé en avril 1959, pour la création du Catalogue d'oiseaux)

 

Magnifique, merveilleux, féerique, miraculeux, magique, prodigieux, éblouissant : la mention vaut pour l'ensemble du concert dont la composition équilibrée peut être appréciée même de tous les mélomanes. Peter Hill aime Bach (Le clavier bien tempéré, Delphian, 2013 – remarquable) et Stockausen.

 

Fauvette passerinette (Sylvia cantillans)

 

Yanaihara Isaku, Avec Giacometti – « Il faut tout effacer

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et recommencer depuis le début. »

Yanaihara Isaku, Avec Giacometti – « Il faut tout effacer

Yanaihara Isaku, Avec Giacometti (Giacometti to tomoni, Editions Chikuma Shobo, 1969), traduit du japonais par Véronique Perrin, Allia, 2014

Yanaihara Isaku, Avec Giacometti – « Il faut tout effacer

Yanaihara Isaku & Alberto Giacometti à Stampa

 

Me dévisageant fixement, il marmonna sur le ton de la colère : « Vous me terrorisez. »

Yanaihara Isaku

4e de couverture

 

Paris est une ville qui possède un charme mystérieux pour nous autres étrangers. Je ne veux pas parler du raffinement, de l’élégance brillante à quoi nous l’associons quand nous disons Hana no Miyako – la Ville Fleur. Cette beauté-là est bien réelle, mais elle est souvent l’expression d’un snobisme petit-bourgeois, une formule publicitaire à l’usage des touristes. Je dirais plutôt : Paris, froide ville de pierre grise. Chacun retranché dans sa vie, comme l’huître dans sa coquille, coquille d’huître agrippée au rocher, défendant obstinément ses habitudes routinières. Même le brillant de façade et l’amabilité nous accueillent le plus souvent pour mieux nous repousser. C’est pourquoi, quand nous séjournons un moment à Paris, nous vient l’envie de fuir cette ville maussade, aller ailleurs, dans un endroit plus gai, plus naturel. Pourtant dès que nous allons voir ailleurs, Paris se met à nous manquer terriblement, on voudrait vite y retourner : arrivé à Paris, on respire. J’en ai fait l’expérience chaque fois que je partais en voyage depuis Paris, mais la plupart des Japonais que j’ai connus en Europe me disaient la même chose, c’est donc que Paris est doué d’un charme particulier qu’on ne rencontre nulle part ailleurs. Un charme difficile à élucider, mais dont l’extrême degré de liberté dont on jouit ici semble être la principale composante. Il n’existe sans doute pas d’autre endroit au monde où l’on soit aussi pleinement à son aise qu’à Paris.

 

En 1954, Yanaihara Isaku, jeune professeur de l’université d’Osaka, vient à Paris pour y faire des études de philosophie. En novembre 1955, il mène un entretien avec Alberto Giacometti pour le compte d’un journal japonais.

Yanaihara Isaku, Avec Giacometti – « Il faut tout effacer

Entrée de l'atelier d'Alberto Giacometti au 46, rue Hippolyte-Maindron dans le 14e arrondissement de Paris

 

A la suite de cette rencontre et jusqu'à l'été 1961, Giacometti fait plus d’une douzaine de portraits peints, et un buste sculpté, de Yanaihara.

Yanaihara Isaku, Avec Giacometti – « Il faut tout effacer

Alberto Giacometti dans son atelier

Yanaihara Isaku, Avec Giacometti – « Il faut tout effacer

Alberto Giacometti, Yanaihara, work in progress, 1957

Yanaihara Isaku, Avec Giacometti – « Il faut tout effacer

Alberto Giacometti, Tête noire (Yanaihara), huile sur toile, 1957

Yanaihara Isaku, Avec Giacometti – « Il faut tout effacer

Alberto Giacometti, Tête noire (Yanaihara), huile sur toile, 1958-1962

Yanaihara Isaku, Avec Giacometti – « Il faut tout effacer

Alberto Giacometti, Yanaihara, bronze, 1960

 

* Illustrations : © Succession Alberto Giacometti (Fondation Alberto et Annette Giacometti, Paris + ADAGP, Paris), 2013 *

 

* * *

 

Yanaihara devient rapidement l’ami d’Alberto et d’Annette Giacometti. Seulement, les séances de pose sont difficiles : Giacometti est exigeant et angoissé. L'expérience est douloureuse pour l'artiste.

 

Yanaihara a différé son retour au Japon – son séjour de recherche étant venu à terme. Il commence à poser selon les règles du maître : sans bouger, sans parler, sans respirer.

 

« Comment va votre travail, a-t-il bien avancé ? »

[…]

« Je ne sais absolument pas où j'en suis. »

 

Le travail reprend. « C'est faux, tout est faux », dit Giacometti.

Annette met un disque sur le phonographe : Lohengrin.

 

Richard Wagner, Lohengrin, Prélude, Teatro alla Scala, dir. Daniel Barenboim, 2012

 

« Non, ça ne va pas », répétait souvent Giacometti.

 

Yahainara invite Alberto et Annette au Botan-Ya, le restaurant japonais de Paris, et, pour l'accompagner, Ishii Yoshiko, une chanteuse japonaise de chansons françaises traditionnelles. On peut être moderne tout en conservant des traditions vivantes...

Compromis impossible, hein ! (Giacometti intervenait dans la discussion) Dans la vie des Français aussi les traditions se perdent.

[…]

L'heure est à la mécanisation. Et la civilisation mécanique ira en nivelant et uniformisant le monde.

[…]

Les machines ne servent qu'à tuer l'esprit.

 

Il continuait de peindre tout en marmonnant, « impossible... effrayant... »

Yanaihara Isaku, Avec Giacometti – « Il faut tout effacer

Dans l'atelier, on croise Jean Genet, avec son jeune amant, Abdallah Bentaga, un acrobate.

 

« Peindre est une sorte de guerre. C'est rigoureusement du même ordre, je m'effraie moi-même. »

 

Un jour, nous étions presque à la fin du mois de novembre, j'ai rendu visite à Sartre. [NDL : où l'on apprend ce que Stéphane Auclair nous a caché]

Giacometti qui était allé le voir après les événements de Hongrie lui avait demandé de bien vouloir me recevoir, et Sartre m'avait fait savoir le jour et l'heure qui lui convenaient. A midi et demi, donc, j'entrais dans l'appartement de Sartre en face de Saint-Germain-des-Prés. J'étais introduit dans un cabinet exigu qui donnait sur la place, le bureau, en désordre, disparaissait sous de grandes feuilles de manuscrit couvertes d'une écriture serrée, les murs étaient tapissés de livres jusqu'au plafond [NDL : ce qui est devenu banal à l'ère Yueyin]. Posée sur une étagère, face au bureau, une sculpture de Giacometti, buste de plâtre au cou extrêmement fin, qui était l'unique œuvre d'art décorant cette pièce.

[…]

Le travail d'Alberto avance ?

C'est comme d'habitude, le même travail acharné chaque jour, mais cela devient de plus en plus difficile, il est au bord du désespoir, ce qui fait que je ne me vois pas rentrer au Japon...

Oui, c'est ça qui est merveilleux, commente Sartre d'un ton un peu déclamatoire en regardant au loin par la fenêtre, la pipe levée en abat-jour, Alberto me l'avait bien dit : les grands chefs-d’œuvre côtoient toujours le grand ratage. Plus le risque d'échec est grand et plus les chances de réussite augmentent elles aussi... [NDL : ce que les Shadoks, une seule fois cités sur Libellus, ont redécouvert en 1968 : « Plus ça rate, plus il y a de chances que ça marche. » Les Shadoks, 1, 18]

 

Une dernière séance de pose. Giacometti parle tout seul : « Il faut tout effacer et recommencer depuis le début. »

 

Cathy Krier, Rameau - Ligeti – une quête semblable

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Cathy Krier, Rameau - Ligeti – une quête semblable

Cathy Krier, Rameau - Ligeti, Avi Music, 2014

 

Jean-Philippe Rameau, Nouvelles Suites de Pièces de Clavecin, Suite en sol mineur : Les Tricordets, rondo - L'indifférente - Deuxième menuet - La Poule - Les Triolets - Les Sauvages - L'Enharmonique - L’Égyptienne.

György Ligeti, Musica Ricercata.

Jean-Philippe Rameau, Pièces de Clavecin en Concerts : La Livri - L'Agaçante - La Timide - L'indiscrète] - La Dauphine.

 

Jean-Philippe Rameau, La Poule, 1728 – György Ligeti, Musica ricercata / VII, 1951-1953 – Cathy Krier, piano, musée de l'Acropole d'Athènes, 2014

 

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Précédemment sur Libellus : György Ligeti – le métronome bien tempéré

 

Siri Hustvedt, Un monde flamboyant – une ambiguïté calculée

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Siri Hustvedt, Un monde flamboyant – une ambiguïté calculée

Siri Hustvedt, Un monde flamboyant (The Blazing World, 2014), traduit de l’américain par Christine Le Bœuf, Actes sud, 2014

Siri Hustvedt, Un monde flamboyant – une ambiguïté calculée

Siri Hustvedt est née le 19 février 1955 à Northfield, Minnesota. Ses parents sont d'origine norvégienne. Le 23 février 1981, elle rencontre Paul Auster à une séance de lecture, ils se marient et ont une fille, Sophie Auster. Ils vivent à Brooklyn.

 

Méconnue de son vivant, une artiste new-yorkaise, Harriet Burden, fait, après sa disparition, l’objet d’une étude universitaire en forme d’enquête qui, menée auprès de ceux qui l’ont côtoyée, dessine le parcours d’une femme aussi puissante que complexe n’ayant cessé, sa vie durant, de souffrir du déni dont son œuvre a été victime.

Épouse irréprochable d’un célèbre galeriste régnant en maître sur la scène artistique de New York, mère aimante de deux enfants, « Harry » a traversé la vie de ses contemporains avec élégance et panache, déguisant en normalité triomphante son profond exil intérieur au sein d’une société qui s’est consciencieusement employée à la réduire au statut de « femme de » et d’artiste confidentielle.

La mort brutale de son mari signe, pour Harriet, un retour aussi tardif qu’impérieux à une vocation trop longtemps muselée qu’elle choisit de libérer en recourant, à deux reprises, à une mystification destinée à prouver le bien-fondé de ses soupçons quant au sexisme du monde de l’art. Mais l’éclatant succès de l’entreprise l’incite alors à signer témérairement un pacte avec le diable en la personne d’un troisième « partenaire » masculin, artiste renommé, dont le jeu pervers va lui porter le coup de grâce.

Gravitant de masques en masques et sur un mode choral autour de la formidable création romanesque que constitue le personnage de Harriet Burden, Un monde flamboyant s’impose comme une fiction vertigineuse où s’incarnent les enjeux de la représentation du monde en tant que réinvention permanente des infinis langages du désir.

4e de couverture

 

Orson Welles, Citizen Kane, 1941

(on ne s'en lasse pas)

 

Je vais construire une femme maison. Elle aura un dedans et un dehors, de sorte qu'on pourra y entrer et en sortir. […] Qu'elle soit ma Lady Contemplation, en l'honneur de Margaret Cavendish, duchesse de Newcastle, cette monstruosité du XVIIe siècle : une femme intellectuelle. Auteur […] d'une fiction utopiste, The Blazing World : Le Monde flamboyant. J'intitulerai ma femme Le Monde flamboyant en mémoire de la duchesse.

[…]

La duchesse portait parfois des habits d'homme.

[…]

Il y a du travesti partout chez Cavendish.

 

Harriet Burden

Carnet O. Le cinquième cercle

(découvert par Maisie Lord le 20 juin 2012)

Le petit Ethan rentre à la maison après une journée au jardin d'enfants. Je le vois emporter une pile de puzzles dans son cagibi, allumer la lumière, s'asseoir et fermer la porte derrière lui.

Enfermée dans le château de Xanadu, Susan passait son temps à faire des puzzles.

 

Harriet se meurt. Elle en était au stade 4 d'un cancer de l'ovaire, grand Dieu, condamnée à mort

[NDL : malgré la théorie du genre]

[…] chimio […] morphine […] Harry s'était laissé ouvrir. Elle s'était laissé dépouiller de tous ses organes reproducteurs plus d'autres morceaux d'elle-même.

[NDL : les nouveaux Diafoirus ont démoli la poupée]

Son dernier mot fut non.

 

Sweet Autumn Pinkney dit la fin.

Elle a gémi. Et puis elle a dit : « Tu sais, on m'a charcutée sans raison, Clemmy. On m'a découpée et empoisonnée, mais ça n'a fait qu'empirer les choses. »

[NDL : à méditer pour les dévots en médecine]

[…]

et j'ai su avec certitude que chacune de ces choses barbares, cinglées et tristes que Harry avait créées était vivante de la vie de l'esprit. Pendant une seconde, là, je les ai presque entendues respirer.

 

Essai universitaire au format convenu ? Témoignage(s) émouvant(s) jusques aux larmes ? Humour grinçant ?

Litanie de la femme ? Quand la femme se fait homme...

 

Lecteur embarqué ? C'est le lecteur qui porte le roman. Un tissu de haute couture.

 

Qu'en dit Yueyin ?

 

A venir sur Libellus : Frankenstein, le monstre élégant.

 

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